La surcharge cognitive nous rend définitivement idiots

Vous êtes-vous déjà retrouvé face à un problème de maths incompréhensible, à une avalanche d’informations économiques ou à un choix financier qui vous semblait impossible à trancher ? Et à ce moment précis, avez-vous eu l’impression d’être… idiot ?
 
Rassurez-vous, ce n’est pas de votre faute. Pas cette fois.

La science de la confusion : quand notre cerveau sature
 
Dans les années 50, John Sweller et Fred Pass mènent des recherches avancées en psychologie cognitive. Leurs travaux les conduisent à penser que notre cerveau fonctionne avec deux types de mémoire :
 
La mémoire de travail : elle est rapide, mais limitée. Elle nous permet de traiter les informations en temps réel.
 
La mémoire à long terme : elle stocke durablement les connaissances et les automatismes acquis.

 
Quel est le problème ?
 
Lorsque nous sommes confrontés à une situation nouvelle ou à un flot d’informations trop important, notre mémoire de travail se sature. Notre cerveau devient alors incapable de traiter correctement les données et d’en tirer des conclusions rationnelles. Ce phénomène s’appelle la surcharge cognitive et frappe sans pitié, que ce soit en finance, en pédagogie ou lorsque votre conjoint(e) vous récite la liste des choses à faire ce weekend et qu’il(elle) s’offusque de voir que vous n’avez rien retenu.
 
Un fonctionnement bipartite

John Sweller et Fred Pass ont mené plusieurs expériences pour démontrer ce phénomène.
Au cours de tests impliquant des résolutions de problèmes mathématiques complexes, ils ont comparé deux groupes :
 
Un premier groupe devait résoudre des problèmes sans aucune aide préalable.
 
Un second groupe bénéficiait d’instructions détaillées et de schémas explicatifs avant de s’attaquer aux mêmes problèmes.

 
Les résultats ont révélé que le second groupe réussissait beaucoup mieux que le premier, car leur mémoire de travail n’était pas surchargée par la nécessité de déchiffrer les concepts en même temps qu’ils cherchaient la solution. Cela leur a permis de démontrer que notre capacité d’apprentissage et de prise de décision dépend directement de la charge imposée à notre mémoire de travail. Ainsi, résoudre un problème sans mise en contexte, sans image d’illustration ou sans précision quelconque paralyse votre cerveau. Plutôt que de consacrer la majeure partie de votre énergie à raisonner pour déchiffrer cette énigme, vous allez lutter pour vous défaire d’une incompréhension d’ordre plus générale. L’un des exemples les plus classiques est celui d’un élève talentueux en mathématiques, mais moins à l’aise en langue, qui peine à formuler un raisonnement mathématique parce que la barrière linguistique entrave sa réflexion. Ce phénomène se produit fréquemment, que ce soit dans sa langue maternelle, face à un vocabulaire inhabituel, ou dans une langue étrangère qu’il ne maîtrise pas suffisamment.
 
D’autres études ont exploré le lien entre surcharge cognitive et stress. En simulant des scénarios d’investissement sous pression, John Sweller et Fred Pass ont montré que plus un individu reçoit d’informations simultanément, plus son raisonnement devient irrationnel et émotionnel, au détriment d’une analyse logique et posée.

Le cauchemar de la finance

Ce phénomène est particulièrement dangereux dans le domaine de l’investissement et de la gestion financière. Imaginez un investisseur submergé par des actualités économiques, des analyses de marché et des événements géopolitiques en rafales. Face à ce tsunami d’informations, son cerveau peine à hiérarchiser ce qui est réellement important.
 
Il risque de prendre des décisions sous le coup de l’émotion, souvent dans la précipitation. Il peut sur-réagir à une mauvaise nouvelle, vendre ses actifs au pire moment ou suivre aveuglément une tendance sans véritable analyse.
 
Les études montrent que ce n’est pas tant la vitesse de décision qui pose problème, mais la qualité de la réflexion derrière. Plus nous sommes saturés d’informations, plus nous avons de chances de faire un mauvais choix.

Vous n’êtes pas idiot, juste humain

L’une des conséquences les plus désastreuses de cette surcharge cognitive est le sentiment désagréable qu’elle nous laisse après coup. Nous avons l’impression d’avoir été le pire des idiots, à mille et une années-lumière de la décision la moins mauvaise à prendre.
 
Ce n’est pourtant pas la bêtise qui nous a pris en traître, mais un biais psychologique bien documenté qui reste encore très ancré dans nos habitudes cognitives.
 
Apprendre à filtrer l’information, prendre du recul et éviter de décider dans l’urgence sont les remparts les plus efficaces contre la surcharge cognitive. Se donner du temps pour réfléchir permet à la mémoire à long terme de prendre le relais et d’éviter les erreurs impulsives. Repenser à ses objectifs contribue également à re-contextualiser ses décisions et à les évaluer à la lumière d’une véritable stratégie et non d’une émotion passagère.
 
La prochaine fois que vous vous sentirez perdu face à une décision complexe, souvenez-vous que votre cerveau ne manque pas d’intelligence, mais d’un espace pour traiter trop d’informations en même temps !

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