Alors que les grandes banques centrales amorcent un cycle de baisse des taux, Sébastien Korchia, Directeur des investissements chez COGEFI Gestion, s’intéresse aux conséquences de la politique monétaire mais aussi aux tensions et défis auxquels sont confrontés la BCE et la FED.
La BCE et la Fed ont récemment initié des cycles de baisse des taux, mais leur approche reflète des objectifs différents. La BCE s’est montrée plus réactive face à la baisse de l’inflation en Europe, tandis que la Fed, contrainte par son double mandat (économie et emploi), a adopté une position plus attentiste. Ce statu quo monétaire, qui a duré 14 mois, marque l’une des plus longues périodes d’inertie depuis les années 80.
Cette attente s’explique par des conditions économiques divergentes. Alors que l’économie américaine affichait une résistance remarquable, notamment grâce à un marché de l’emploi dynamique, l’Europe était confrontée à une décroissance marquée, notamment en Allemagne.
La Fed a choisi d’attendre que les données inflationnistes et économiques justifient une intervention. L’économie américaine était marquée par une inflation collante, amplifiée par des hausses de salaires significatives et un plein emploi. Ce n’est qu’après des signes de dégradation, comme une hausse du chômage et une baisse de la consommation, que la Fed a jugé opportun de modifier sa politique.
En comparaison, la BCE a agi plus rapidement grâce à une baisse plus prononcée de l’inflation. Toutefois, cette réactivité de la BCE pourrait refléter une volonté d’indépendance accrue sous la direction de Christine Lagarde.
La Fed dispose aujourd’hui d’une marge de manœuvre théorique importante. Avec ses taux directeurs élevés, elle peut réduire jusqu’à 200 points de base tout en maintenant des taux réels positifs. Pourtant, cette flexibilité reste conditionnée par le risque de relancer l’inflation. Une réduction rapide des taux pourrait stimuler des secteurs sensibles, comme l’immobilier, et raviver les tensions inflationnistes.
L’année électorale ajoute une autre dimension. Si un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche devait s’accompagner de hausses des tarifs douaniers, l’impact inflationniste serait immédiat, forçant la Fed à reconsidérer sa stratégie. De son côté, la BCE, confrontée à une croissance molle et une récession dans certains pays, opte pour des ajustements plus directs.
Historiquement, une baisse des taux a souvent stimulé les marchés actions. Cependant, après 2000, cette dynamique s’est complexifiée. Lorsqu’une récession accompagne une baisse des taux, les actions tendent à baisser dans les 12 mois qui suivent. Aujourd’hui, les investisseurs sont confrontés à un dilemme. Si la récession est évitée, les actions cycliques et les small caps pourraient connaître un rebond significatif. Mais si une récession se matérialise, les secteurs défensifs comme l’alimentaire et le tabac, ainsi que les valeurs de qualité, deviendront des refuges privilégiés. Cette situation incertaine complique la mise en place d’une stratégie claire, d’autant plus que les élections américaines ajoutent une dose importante de volatilité sur les marchés.
Dans un environnement de baisse des taux, le marché obligataire se distingue par une meilleure visibilité. Aux États-Unis, les fonds monétaires continuent d’attirer des flux record, avec des rendements réels atteignant 5 %. Cette sécurité apparente attire les investisseurs cherchant à éviter les aléas électoraux.
En parallèle, les obligations d’entreprise à court terme offrent un compromis intéressant entre rendement et stabilité. Pour les gérants obligataires, cette période représente une rare opportunité d’accumuler des rendements attractifs avec une prise de risque modérée.
Alors que les banques centrales, Fed et BCE en tête, adaptent leurs politiques, les investisseurs doivent faire preuve de flexibilité. La prudence impose une diversification entre actions, obligations et actifs monétaires. Si les perspectives économiques restent incertaines, la clé réside dans une gestion adaptative, capable de s’ajuster aux évolutions de la conjoncture et aux résultats des élections américaines.
Pour approfondir cette analyse de Sébastien Korchia, regardez l’interview complète sur Synapses.