Distorsion cognitive : nous sommes dans la matrice, et nous l’aimons !

La distorsion cognitive

La question de la distorsion cognitive peut se formuler de manière plus familière : est-ce que la réalité est… réelle ? C’est un sujet profond sur lequel les plus grands cerveaux de notre espèce se sont penchés depuis la nuit des temps et pour lequel nous ne pouvons encore garantir de réponse qui fasse consensus.

De l’allégorie de la caverne de Platon, soit il y a près de 2400 ans, en passant par le film Matrix à la fin des années 90, notre histoire regorge de questionnements métaphysiques sur la distinction qu’il peut exister entre la réalité perçue et la réalité objective.  En 1972, le psychiatre Aaron T. Beck s’intéresse de près à un phénomène fascinant qui apporte,  à sa manière, des éléments de réponses quant à savoir si nous vivons ou non dans la réalité. Il s’agit des distorsions cognitives. Ces biais cognitifs sont des schémas de pensée déformés qui nous amènent à percevoir la réalité de manière inexacte.

Notre cerveau, dans un souci d’économie cognitive, finit par adopter des raccourcis mentaux trompeurs. Il suffit d’une première lecture fallacieuse du monde et d’une avalanche d’émotions coïncidant avec cette vision pour que notre perception du monde se fige et devienne notre unique modèle de compréhension du vaste environnement complexe dans lequel nous évoluons. Selon Aaron T. Beck, ces schémas de pensée jouent un rôle central dans nos émotions et comportements

Le problème est qu’ils  s’avèrent majoritairement négatifs, c’est-à-dire orientés vers une lecture pessimiste du monde. Or une vision pessimiste ou biaisée de la réalité peut créer un cercle vicieux, où des pensées négatives renforcent des émotions négatives, qui, à leur tour, alimentent davantage ces pensées erronées.

Grâce à ses travaux, Aaron T. Beck a mis en lumière plusieurs formes de distorsions cognitives.

Voici trois exemples concrets :

1. La catastrophisation

C’est l’une des distorsions cognitives les plus courantes. Elle consiste à anticiper le pire scénario possible, en lui donnant un poids disproportionné.


Exemple : beaucoup d’épargnants évitent tout autre placement que le Livret A, convaincus qu’investir en bourse ne peut mener qu’à des pertes catastrophiques. Et réciproquement, pour rendre le passage à l’acte en bourse évident, il est fréquent que les influenceurs invoquent une crise imminente due par exemple à la fin du système politique ou économique actuel pour promouvoir l’investissement en bourse comme la seule échappatoire, le seul moyen de protéger son épargne.

2. Le raisonnement dichotomique (ou fractionnement de pensée)

Ici, tout est vu de manière binaire : noir ou blanc, bon ou mauvais. Ce manque de nuances empêche une évaluation réaliste des situations et ne permet pas de distinguer les détails d’une analyse qui font souvent toute la différence dans une stratégie, quelle qu’elle soit.

Exemple : croire que « tous les investisseurs sont millionnaires » ou que « les investisseurs particuliers ne gagnent jamais d’argent ». En réalité, il faut être attentif au profil de ces investisseurs, à leur parcours, à leur capital initial, à la durée de leur parcours boursier ou encore à leur horizon de placement pour correctement statuer sur les performances, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

3. Le raisonnement émotionnel

Cette distorsion cognitive repose sur une interprétation biaisée de ses émotions comme preuves objectives.


Exemple : une personne se sentant maladroite ou incapable aura tendance à se considérer comme telle dans de très nombreux domaines, ignorant ses réelles capacités.

Les conséquences sur nos comportements financiers

Ces schémas négatifs sont particulièrement visibles dans le domaine de l’investissement. Convaincus que la finance est trop complexe ou inaccessible, certains se disent “idiots”, financièrement parlant, et abandonnent toute idée de prendre des décisions éclairées. Pourtant, reconnaître leurs biais cognitifs et travailler dessus leur permettrait d’élargir leurs perspectives et d’adopter des stratégies plus rationnelles.

Comment dépasser ces distorsions cognitives ? 

Identifier ses biais cognitifs constitue la première étape. La thérapie cognitive comportementale (TCC), développée par Aaron T. Beck, propose des outils efficaces pour corriger les erreurs de pensée. En adoptant une approche plus objective et nuancée, il devient possible de réduire l’impact des distorsions cognitives sur nos émotions et nos décisions.

Sans prétendre que cette thérapie soit une solution à adopter systématiquement – elle est principalement destinée aux cas de dépression et d’anxiété –, il faut néanmoins lui reconnaître un mérite : elle impose une discipline dans notre manière de percevoir la vie. Elle nous incite également à pratiquer des exercices de réflexion qui permettent, petit à petit, de maîtriser les biais cognitifs particulièrement retors, qui nous conduisent à douter de ce qui est réellement… réel.

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