La consommation des ménages américains, pilier essentiel de la croissance mondiale, montre des signes inquiétants de fragilité. Christian Parisot, président d’Altaïr Economics, décrypte les indicateurs récents qui pourraient signaler un tournant pour la croissance américaine et les marchés financiers. Entre baisse de confiance, pressions sur le pouvoir d’achat et durcissement des crédits, les investisseurs ont de quoi s’interroger.
Depuis plusieurs mois, le consommateur américain s’est illustré par sa résilience face aux turbulences économiques. Cependant, les signes de fatigue se multiplient. Les ventes au détail stagnent, le moral des ménages décline, et les grandes enseignes commencent à ressentir les effets de cette prudence accrue. Walmart a surpris positivement avec ses résultats, tandis que Target a mis en lumière des difficultés croissantes. Un point commun ressort : les consommateurs se tournent vers les achats essentiels, délaissant progressivement les dépenses discrétionnaires.
Les enquêtes de confiance révèlent un pessimisme grandissant. Malgré un taux de chômage historiquement bas et une inflation en ralentissement, le sentiment de perte de pouvoir d’achat domine. Cette perception négative s’explique en partie par le ralentissement des hausses salariales, désormais insuffisantes pour compenser l’inflation.
Un graphique comparant la confiance des ménages américains et les marges brutes des entreprises dans les secteurs essentiels (biens de consommation, santé, télécoms) révèle une divergence notable. Les marges ont grimpé à des niveaux records, soutenues par des augmentations de prix successives , alors que la confiance des consommateurs s’effondre.
Pour Christian Parisot, cette divergence pourrait devenir insoutenable. Les entreprises espèrent continuer à relever leurs prix, mais face à un consommateur de plus en plus sensible à la hausse des coûts, la demande pourrait se contracter rapidement. La situation illustre une tension croissante entre des attentes optimistes des marchés et une réalité économique plus fragile.

Le recours au crédit, traditionnel levier de consommation pour les ménages américains, rencontre aujourd’hui des obstacles. Les conditions d’octroi de crédits se durcissent, notamment pour les populations les moins aisées. Les plafonds des cartes de crédit sont atteints, et les taux d’intérêt sur les crédits revolving atteignent des sommets, avoisinant 23 %.
Cette situation résulte également d’une hausse des taux de défaut sur les crédits à la consommation. Les banques, prudentes, refusent d’accorder des extensions de crédit, limitant ainsi les options des ménages pour maintenir leur niveau de dépenses.
Les données d’enquête montrent que les Américains envisagent de réduire leurs dépenses dans plusieurs secteurs : loisirs, voyages, habillement et alimentation hors domicile. Même les postes qui semblaient jusqu’alors résilients, comme les vacances et les voyages, commencent à être impactés.
Cela contredit les prévisions optimistes de certains acteurs, comme les compagnies aériennes, qui continuent d’anticiper une demande robuste. Cette dichotomie entre les attentes des entreprises et la réalité perçue par les consommateurs pose un sérieux risque pour les marchés financiers et la tenue de la croissance U.S..
Christian Parisot alerte sur les implications pour les investisseurs en bourse. La consommation des ménages américains, moteur clé de la croissance, pourrait réserver des surprises désagréables. Une détérioration du marché du travail ou un ralentissement économique plus marqué accentuerait ces fragilités.
De plus, les valorisations boursières, notamment à Wall Street, semblent ignorer les signaux d’alerte. Les marges des entreprises, largement soutenues par des hausses de prix, pourraient se contracter rapidement si la consommation fléchit.
Les marchés financiers fonctionnent actuellement sur un scénario optimiste de ralentissement maîtrisé de la croissance économique. Cependant, les signaux émanant des ménages américains montrent que ce scénario pourrait être mis à mal. Pour les investisseurs, la surveillance des indicateurs de consommation, des crédits et des marges d’entreprises sera essentielle dans les mois à venir.