Bourse : sommes-nous à un tournant historique ?

Les politiques monétaires mondiales connaissent des mutations majeures qui se répercutent sur l’investissement en Bourse. Dans cette interview, Éric Turjeman, co-directeur de la gestion collective chez Ofi Invest Asset Management, décrypte l’impact de ces transformations sur les marchés financiers et propose des stratégies d’investissement adaptées.

Retour sur 15 ans de politiques monétaires accommodantes

Pour comprendre les niveaux de taux d’intérêt actuels, Éric Turjeman propose un retour en 2008, au lendemain de la crise des subprimes. Les banques centrales, pour éteindre l’“incendie financier”, ont massivement injecté des liquidités, profitant d’un environnement à faible inflation. Cette approche reposait sur des hypothèses liées à la démographie, à l’essor technologique et à une moindre appétence des jeunes générations pour la consommation.
Cependant, des événements récents, tels que la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine mais également plus structurels comme la transition écologique, ont bouleversé ce paradigme. La reprise post-Covid a entraîné une forte demande, tandis que l’offre, paralysée par des disruptions dans les chaînes de production, peinait à suivre. En parallèle, les tensions géopolitiques ont accentué la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, faisant renaître une inflation structurelle.

L’époque des taux négatifs : une aberration économique

Durant les années précédant la crise sanitaire, les taux d’intérêt sont tombés en territoire négatif. Si cette politique a permis de soutenir les actifs financiers, elle a généré des comportements économiques biaisés. Éric Turjeman qualifie cette période d’“aberration économique”, soulignant que les taux bas ne sont pas soutenables sur le long terme.
Aujourd’hui, les banques centrales, qu’il s’agisse de la FED ou de la BCE, ajustent leurs politiques monétaires pour freiner l’inflation tout en préservant la croissance. Les taux directeurs ont atteint des sommets inédits depuis 15 ans : 5 % aux États-Unis et près de 4 % en zone euro. Bien que des baisses soient anticipées à partir de septembre 2024, le niveau terminal des taux devrait rester supérieur à celui envisagé en début d’année.

Une économie mondiale résiliente mais sous tension

La croissance mondiale reste un moteur essentiel pour les marchés financiers et les bourses. En 2024 et 2025, elle est estimée à 3 %, un niveau suffisant pour soutenir les profits des entreprises. Cependant, la fragilité de cet équilibre tient à plusieurs facteurs, notamment la montée du protectionnisme, qui pourrait ralentir les échanges internationaux et renforcer les pressions inflationnistes, et la transition écologique, qui entraîne une augmentation durable des coûts de production. Les tensions géopolitiques, notamment en Europe de l’Est et en Asie, ajoutent une couche d’incertitude.
Dans ce contexte, Éric Turjeman invite les investisseurs à envisager des scénarios alternatifs. Si le scénario central, souvent qualifié de “Boucle d’or”, prévoit une stabilisation de l’inflation et des taux, les risques de dérapages économiques ou politiques ne doivent pas être ignorés.

Bourse : valorisations et perspectives

Les marchés actions affichent des valorisations contrastées. En Europe, les indices se situent à des niveaux raisonnables, avec des ratios cours/bénéfices autour de 13x pour 2025. En revanche, aux États-Unis, la cherté des actifs cotés en bourse est largement due à la concentration sur quelques grandes valeurs technologiques, surnommées les “7 Magnifiques”, qui dominent les indices.
Pour les investisseurs, la diversification constitue une stratégie essentielle. Si ces grandes valeurs sur les bourses continuent de tirer les indices, leur poids important accentue la vulnérabilité en cas de retournement de tendance.

Les obligations : une classe d’actifs à privilégier

Dans un environnement où les taux d’intérêt restent élevés, les obligations offrent des opportunités attractives. Le segment du crédit investment grade, par exemple, génère des rendements proches de 4 %, tandis que le high yield atteint des rendements moyens de 7 %. Ces niveaux rémunèrent bien le risque pris, à condition d’adopter une approche diversifiée et disciplinée.

Conserver du cash pour saisir les opportunités

Enfin, Éric Turjeman conseille aux investisseurs de maintenir un volant de liquidités. Avec une volatilité attendue sur les marchés, le cash permet de saisir des opportunités en cas de correction tout en limitant les risques.

Pour découvrir l’intégralité de l’entretien, cliquez sur le lien de la vidéo.

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