
Dans le grand livre de l’industrialisation européenne, certaines entreprises écrivent les chapitres les plus décisifs. C’est le cas de SSAB, l’industriel suédois spécialisé dans les aciers à haute résistance.
Là où d’autres subissent les mutations climatiques et géopolitiques, SSAB prend le pari de les dominer. En plein virage stratégique, l’entreprise se positionne comme pionnière du “green steel“, cette version décarbonée de l’acier appelée à devenir un standard dans les décennies à venir. Avec une santé financière robuste et une ambition nette — devenir quasi neutre en émissions de CO2 d’ici 2030 — SSAB symbolise cette Europe industrielle qui veut conjuguer compétitivité, durabilité et rentabilité.
Pour autant, les données sont-elles à la hauteur des ambitions du groupe suédois ?
Position dominante dans l’acier à haute résistance, représentant environ 35 % des revenus actuels, avec objectif à 50 % à moyen terme. Ce segment est moins concurrentiel, plus rentable, et essentiel pour les secteurs automobile, aéronautique et du transport.
Structure financière saine :
Trésorerie nette de 15 Mds SEK (~1,3 Md€), pour une capitalisation boursière d’environ 51 Mds SEK (~4,45 Mds€).
Rentabilité solide:
PER ajusté (P/E) de 9,2x (2025) et rendement du dividende élevé, à 5,05 %.
Production locale aux États-Unis >90 %, ce qui évite l’impact des droits de douane US et permet de capter les prix locaux plus élevés.
Projet d’usine mini-mill (des aciéries électriques plus compactes, flexibles et écologiques) sans énergie fossile à Luleå :
Capacité de 2,5 Mt/an, réduction de 3 Mt CO₂/an. Objectif : opérationnel fin 2028.
Clients stratégiques pour l’acier vert :
Caterpillar, John Deere, Volvo, CNH. Tous recherchent des matériaux durables pour verdir leurs chaînes de valeur.
Sous-performance boursière récente malgré une hausse YTD de +28,5 %. Les concurrents comme thyssenkrupp (+120 %) ou ArcelorMittal (+25 %) ont fait mieux.
Dépendance à la Chine, qui représente 55 % de la production mondiale d’acier.
Capex élevé :
Le projet Luleå représente un investissement total de 40 Mds SEK (~3,5 Mds€), avec un surcoût net d’environ 27 Mds SEK (~2,35 Mds€) par rapport aux dépenses de maintien nécessaires.
Structure de marché éclatée :
aucun acteur ne contrôle plus de 6 % de part de marché (ex. Baowu Steel en Chine), ce qui limite la consolidation et les économies d’échelle.
Rendement futur incertain sur certains investissements sans subvention directe garantie.
Positionnement ESG fort qui attire les capitaux responsables.
Premium environnemental :
l’acier vert pourrait se vendre avec une surcote de 300 €/tonne, selon SSAB.
Objectif de neutralité carbone dès 2030 — contre 2050 pour ArcelorMittal — qui confère un avantage concurrentiel majeur.
Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) :
Taxe carbone européenne sur les importations, favorable aux producteurs décarbonés européens.
Projet Stegra (ex-H2 Steel) à Boden :
Future usine concurrente suédoise basée sur l’hydrogène vert (réduction de 95 % des émissions).
Réduction des émissions nationales de la Suède de 10 % attendue grâce à SSAB d’ici 2030.
Risque de surcapacités :
Fusion récente Nippon Steel / US Steel pourrait déséquilibrer le marché nord-américain.
Cycle macroéconomique défavorable :
Ralentissement dans la construction, l’automobile, l’aérien — principaux débouchés pour SSAB.
Coût de l’énergie verte (électricité, hydrogène) encore élevé et volatil, pouvant impacter les marges à moyen terme.
Risque de valorisation excessive si la transition écologique du secteur prend du retard ou rencontre une demande moindre que prévu.
Concurrence accrue des nouveaux entrants comme Stegra, capables d’opérer sans subventions grâce à des contrats d’engagement ferme (“take or pay”).
SSAB combine solidité financière et ambition industrielle, avec une feuille de route claire vers un acier propre d’ici 2030. Si ses investissements verts sont massifs (~2,35 Mds€ de capex net supplémentaire), ils pourraient être quasi-autofinancés via des gains de productivité et des primes environnementales. Le soutien indirect de la réglementation européenne (CBAM) renforce sa position. Toutefois, la concurrence s’intensifie et le cycle économique reste incertain. Pour un investisseur institutionnel sensible aux critères ESG et aux mégatendances industrielles, SSAB offre un profil différencié, mais encore soumis à validation par les marchés dans les prochaines années.
Notre avis : SSAB est définitivement un dossier à regarder si l’on s’intéresse au secteur de l’acier et à une diversification en termes de devises puisque SSAB s’échange en SEK. L’action est donc normalement négociable au sein d’un PEA. Nous ne nous précipiterons cependant pas sur SSAB. Compte tenu des incertitudes du moment, il nous parait préférable d’attendre un repli sous les 44 SEK pour envisager le cas échéante une entrée sur le titre.