
Les derniers jours nous ont à nouveau confirmé que le marché n’avait peur de rien – en tout cas certainement pas d’un embrasement généralisé dû à la crise israélo-américano-iranienne. Même pas un frisson sur les cours.
Il est d’ailleurs notable que les hostilités entre Israël et Iran soient bien loin d’avoir produit un pic hors norme de l’indice GPR (Geopolitical Risk Index). Cet indice inventé par Dario Caldara et Matteo Iacoviello deux économistes de la Réserve Fédérale, mesure l’intensité des risques géopolitiques perçus dans les médias en tenant compte de mots-clés comme « guerre », « terrorisme », « conflit », « tensions militaires », etc.
DORVAL AM a eu la bonne idée de le réactualiser (graphique ci-dessous). On voit que le conflit entre l’Etat hébreu et la République islamique est très loin d’avoir suscité l’onde de choc que constitua l’entrée des chars russes en Ukraine.

Le bombardement, ce week-end, des installations nucléaires iraniennes par les États-Unis n’a du reste provoqué aucun émoi particulier sur les marchés financiers, en dépit des promesses de réaction ferme émanant des autorités iraniennes. Réaction qui s’est donnée à voir lundi sous la forme de quelques missiles lancés sur une base américaine au Qatar – une attaque qui n’a causé aucune victime et dont l’innocuité a été jusqu’à déclencher une correction spectaculaire de 7 % des cours du pétrole. C’est dire, au vu du soulagement du marché, si la capacité de représailles de l’Iran, pour l’heure, n’inquiète plus grand monde. La République islamique parait esseulée – le soutien apporté par la Chine et la Russie semble plutôt de principe qu’effectif – et son contrôle sur la société iranienne de plus en plus chancelant. L’élimination à grande échelle des dignitaires du régime hautement impopulaire des mollahs témoigne de la porosité des services de sécurité iraniens et de la compromission sinon de la corruptibilité d’une grande partie d’entre eux. Dans un tel contexte, il n’est pas aberrant que la communauté financière se refuse à croire à une disruption majeure. [Ce matin, tandis que je relis ma prose, je vois que Donald Trump annonce qu’un cessez-le-feu a été obtenu. S’il se confirme, le marché tournera la page et le fameux risque de disruption se sera évaporé.]
Quelles conséquences politiques ?
En l’état, la question est plutôt désormais de savoir si les retombées politiques de ce bombardement favoriseront les desseins de Trump au plan domestique ou les plomberont. Encore un peu tôt pour le dire. On ne peut ignorer que l’opération « Midnight Hammer » a suscité de vives oppositions internes et l’image de Trump « le faiseur de paix » s’en est trouvée ternie auprès de certains de ses plus farouches soutiens. D’un autre côté, cette intervention est réussie. Quand je dis réussie, je parle moins de l’annihilation du programme nucléaire iranien, dont on ignore encore dans quelles proportions il a été ébranlé, que d’une réussite au plan militaire et symbolique : démonstration de la toute puissance militaire américaine – toute puissance à relativiser puisqu’elle s’exerce dans le cadre d’un conflit asymétrique, mais ce type de conflit est fait aussi pour entretenir l’idée d’un pouvoir américain jupitérien –, démonstration de la faiblesse de l’Iran, incapable de se défendre et de porter une réplique à la hauteur de l’attaque subie. Dans ces conditions, et sous réserve que les choses en restent globalement là, c’est-à-dire contenues, il n’est pas impossible que cette opération spectaculaire soit mise avec le temps au crédit de Donald Trump par certains de ses détracteurs les plus virulents au sein de sa base, et qu’il y gagne de nouveaux supporters, notamment au Congrès. Le vote du Big Beautiful Bill nous éclairera peut-être sur certains marchandages et renversements d’alliance ponctuels.
Du reste, cette semaine et, si les choses ne se déroulent pas de la meilleure des manières durant celle-ci, la suivante seront capitales pour le BBB, et donc… pour les marchés, dont le comportement pourrait être influencé par le contenu final du texte adopté. J’emploie volontairement le conditionnel, car lesdits marchés paraissent tellement imperméables aux mauvaises nouvelles que je préfère ne pas trop m’avancer.
Pas de catastrophe
Imperméable aux mauvaises nouvelles disais-je, mais un coup d’œil à la performance des différents secteurs sur cinq jours glissants montre que si ce fut loin d’être la catastrophe, la majorité des secteurs ont eu tendance à perdre du terrain, comme en témoigne ce graphique issu de la recherche d’AlphaValue. La pharma n’a vraiment pas été à la fête, mais le plus important est que sur les trente secteurs couverts, 23 ont accusé des replis sur la période. Pas de panique, mais une aversion au risque accrue qui s’est diffusée presque à toute la cote.

Sur une période d’un mois, le tableau est encore plus morose, avec 24 secteurs en recul dont cinq signant des replis supérieurs à 5 %.

