La re-découverte de l’Amérique

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La re-découverte de l’Amérique s’invite dans le portefeuille Synapses : faut-il miser davantage sur Wall Street ? Avec son « One Big Beautiful Bill », Trump propulse une relance fiscale survitaminée, prête à gonfler la croissance U.S. jusqu’à l’explosion. Il semble difficile de résister à ce dopage fiscal made in America.

La question qui me titillait la semaine dernière me gratouille donc toujours aujourd’hui : doit-on, oui ou non, exposer davantage le portefeuille Synapses aux valeurs américaines ?
 
À première vue, la victoire que vient de remporter Donald Trump avec l’adoption par le Congrès de son fameux « One Big Beautiful Bill » donne furieusement envie de répondre par l’affirmative.
 
Une croissance U.S. sous stéroïdes ?
 
Le 47e président des États-Unis a l’intention de tout faire tout pour gonfler les muscles de la croissance américaine. Et quand je dis tout, c’est tout. À l’instar d’un préparateur d’équipe cycliste du tour de France dans les années 1990 (nous fermerons pudiquement les yeux sur les décennies suivantes), vider l’armoire à pharmacie ne lui fait pas peur. Ce paquet fiscal, c’est sa seringue d’EPO, à lui. Et chargée comme elle va l’être, difficile de ne pas imaginer l’économie U.S. faire des étincelles.

Nous en avons discuté longuement avec Christian PARISOT, lors de l’entretien diffusé dimanche dernier sur Synapses (que je vous invite à visionner si vous ne l’avez déjà fait).
 
Le One Big Beautiful Bill permet désormais aux entreprises de déduire immédiatement, en une seule année, la totalité des dépenses de recherche et développement effectuées aux États-Unis, ce qui inclut naturellement les investissements liés à l’intelligence artificielle –une incitation XXL à l’innovation et à la prise de risque, deux puissants moteurs de la croissance.
 
Pour que le feu d’artifice soit complet, il manque une chose : que la Fed joue les gentilles marraines en baissant ses taux. Spoiler : elle ne le fera sans doute pas cette semaine, d’une part encouragée qu’elle est par des chiffres de l’emploi plus robustes qu’un bœuf texan et, d’autre part, inquiète qu’elle est de l’effet inflationniste des droits de douane.
 
Néanmoins, l’extraordinaire pression qu’exerce avec une subtilité de rouleau compresseur Donald Trump sur la Réserve fédérale ne laisse comme alternative à l’institution monétaire que le statu quo ou la reddition sur les taux. Par ailleurs, en tapant comme un sourd sur Jerome Powell à chaque occasion qui se présente, l’ami Donald cherche à saper l’autorité et la légitimité de la banque centrale américaine. En agissant ainsi, il attise de surcroît l’inquiétude des investisseurs internationaux et renforce la défiance vis-à-vis du billet vert. Sans doute sciemment, car l’occupant du bureau ovale n’a jamais dissimulé sa volonté de faire baisser le dollar afin de redonner de la compétitivité aux entreprises américaines sur les marchés extérieurs.
 
Où va le dollar ?
 
Ce qui m’amène à la question du dollar dont je rappelle à ceux d’entre vous qui dormaient au fond de la classe qu’il a baissé de 10 % depuis le 1er janvier.

Si la Banque Centrale américaine ne durcit pas sa politique monétaire, il y a peu de raisons pour que le dollar s’apprécie. Au contraire, si elle en vient à baisser ses taux à deux reprises d’ici la fin de l’année, comme l’espère la communauté financière, le dollar pourrait poursuivre sa baisse. Or, la glissade continue du dollar ce premier semestre, je n’en ai pas fait mystère, a contribué à ma décision de réduire l’exposition du portefeuille Synapses aux actions made in America. L’une des questions qui me turlupinent est, partant, celle de la trajectoire future du dollar.
 
Peut-être, me direz-vous, que celle-ci dépend principalement de l’appétit des investisseurs étrangers pour les actifs américains (actions, obligations, etc…) et, peut-être, ne faut-il pas chercher midi à quatorze heures et se contenter d’expliquer la baisse de 10% du billet vert depuis le début de l’année par la sortie des investisseurs étrangers des actifs américains ?
 
Ce serait bien commode, je vous l’accorde. Le problème est que les chiffres démentent cela.
 
La détention d’actions américaines par des non-résidents a au contraire continué à progresser pour atteindre des niveaux records comme en témoigne le graphique ci-dessous, issu de la recherche d’Apollo.

Par ailleurs, le billet vert reste la monnaie de réserve. Certes, sa suprématie est contestée, mais nous n’en sommes qu’aux prémices de la dédollarisation. Le dollar domine largement dans les paiements SWIFT (48%), les réserves de change mondiales (58%), le volume des transactions sur le marché d’échange (88%), et les prêts transfrontaliers (47%). Il demeure central dans l’architecture des échanges mondiaux et des financements internationaux.

Mais si l’appétence pour les actifs américains et le dollar demeure forte, comment expliquer la dépréciation du billet vert ?
 
Torsten Sløk, le chef économiste d’Apollo, l’impute à la multiplication ces derniers mois des stratégies de couverture par les investisseurs et les entreprises, lorsque les inquiétudes liées à l’instabilité politique et institutionnelle aux États-Unis, l’accroissement sensible du déficit budgétaire, le financement de la dette américaine et les impacts de la politique de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump étaient à leur comble. La glissade du billet vert serait donc surtout technique et conjoncturelle.
 
Sous réserve que l’apaisement prévale sur le front de la guerre commerciale –ce qui n’est pas acquis, le sieur Trump à l’heure où je rédige ces lignes, venant d’annoncer 25 % de droits douane sur les importations japonaises et sud coréennes, 30 % sur celles d’Afrique du Sud, 40 % sur celles du Laos et de la Birmanie à compter du 1er août  — ce qui laisse trois semaines pour négocier —, sous réserve donc que le pire n’ait pas lieu, les stratégies de couverture vis-à-vis du dollar devraient être moins recherchées. Et si comme Sløk l’affirme, lesdites stratégies expliquent bien la baisse de la monnaie de référence au premier semestre, alors le plus gros du mouvement de dépréciation du billet vert est derrière nous. Dans ce cas, détenir davantage d’actions américaines fait sens. 
 
Quoi acheter ?
 
En faisant abstraction du conditionnel et de tous les “si” dont j’ai truffé le précédent paragraphe, la question dès lors est de savoir quoi acheter. La semaine dernière, j’avais initié une ligne d’Arista Networks. Après m’être furieusement trituré les méninges, j’ai décidé… de revenir sur Meta. En l’occurrence, si vous estimez qu’il s’agit d’un beau retournement de veste, je vous donne raison à 100 %. Mais, comme chacun sait, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
 
Je voulais du solide, avec des perspectives bien orientées, et le tout à un prix pas scandaleusement indécent. Meta se négocie à 28 × 2025 et 25 × 2026. Pas donné. À l’instar du charme, de la beauté, ou encore de l’honnêteté des politiciens, la cherté est une notion toute relative. Prenez Microsoft. Le groupe se paie 32,7 x 2026. Autre exemple ? Netflix : 50 x 2025, et 41,6 x 2026. Du coup, retour sur Meta —une petite ligne (0,49 % du portefeuille). L’exposition aux USA reste donc réduite (5,78 %).
 
Pour le reste, pas de mouvements particuliers. Le marché me donne l’impression d’être dans une sorte d’entre-deux avant les publications de résultats et l’issue (prochaine, on l’espère) de la guerre commerciale. Autant ne pas brûler le cash afin d’être en mesure de racheter le cas échéant des titres de qualité à prix plus modique dans une perspective de moyen-terme.
 
À cet effet, j’ai hiérarchisé les valeurs à renforcer prioritairement. Mon choix premier ne se porte pas sur celles qui affichent les moins values latentes les plus marquées. Je préfère destiner mes efforts et les ressources du portefeuille (18 % de cash)  aux entreprises qui me paraissent intrinsèquement les plus fortes – c’est-à-dire qui remplissent les critères de force fondamentale des sélections Élite – et dont les cours sont dans des momentums positifs et des tendances haussières évidentes. Autrement dit, je patiente en guettant l’occasion me permettant de racheter de la qualité à prix discount. 

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