Avant de foncer tête baissée dans votre prochaine idée d’investissement, une mise en garde s’impose : ne demandez pas l’avis de votre meilleur ami. Pas parce qu’il va vous voler votre idée… Mais parce que vous risquez de tomber dans un des pièges mentaux les plus redoutables : le biais de faux consensus
Le biais de faux consensus : le piège mental
En 1977, les chercheurs Lee Ross, David Greene et Pamela House ont mené une expérience simple, mais éclairante. Ils ont proposé à des participants un choix binaire :
– investir dans IBM
– investir dans General Motors.
Puis, ils leur ont demandé d’estimer le pourcentage d’autres participants qui feraient le même choix qu’eux.
Le résultat fut édifiant. La majorité des participants pensaient que leur choix serait partagé par… la majorité. Autrement dit, chacun supposait que les autres pensaient comme lui. Un pur produit de notre tendance à croire que notre vision est universelle.
C’est ce qu’on appelle le biais de faux consensus.
Biais² = erreur assurée
L’impression de consensus — qui n’est rien d’autre qu’un faux consensus — naît d’un biais d’auto-centrisme : on surestime la pertinence de notre propre raisonnement, on pense qu’il “va de soi“, et donc qu’il doit forcément être partagé par la majorité.
Résultat : on s’installe confortablement dans une bulle de certitudes, hermétique à toute contradiction. Et quand une contradiction finit par émerger ? Elle agace. Parce qu’au fond, on pense déjà avoir raison. Alors, on cherche à confirmer notre vision, à convaincre les derniers sceptiques.
C’est là que votre meilleur ami pourrait entrer en scène.
Bienveillant, loyal… mais pas expert.
Il va valider votre idée. Non pas parce qu’il l’a analysée, mais pour vous faire plaisir — ou, soyons honnêtes, pour éviter d’entrer dans un sujet qui l’ennuie. Et vous, en toute bonne foi bien sûr, vous prenez cette approbation pour un avis éclairé. Parce que vous voulez entendre ce qu’il vous dit. Vous attendez une validation, pas une contradiction.
C’est exactement là que le biais de confirmation prend le relais.
Vous étiez déjà persuadé d’avoir raison, vous trouvez enfin quelqu’un qui vous renvoie à cette conclusion…
Et vous confondez réconfort émotionnel et justesse stratégique.
La boucle est bouclée.
La spirale du biais cognitif est enclenchée.
Et il devient très difficile d’en sortir.
Résultat : jugement altéré, décisions biaisées
Ce processus vous paraît grossier ?
Il caractérise pourtant les bulles financières qui emportent avec elles le jugement éclairé des investisseurs, et notamment des particuliers. Pour rappel, ce public d’investisseurs perd essentiellement en phase d’éclatement de bulle… et à bien du mal à s’en remettre.
Logique. Persuadés d’avoir raison, et parce que la raison est réputée universelle, tout le monde est censé penser comme eux, alors ils continuent dans la direction de leur choix au mépris de toute autre analyse. Et ils se font rincer. Et cela se passe ainsi sur tous les marchés, boursier ou crypto.
Que faire alors ?
La prochaine fois que vous avez une conviction forte, une stratégie ou un doute sur un titre :
❌ N’allez pas chercher un écho rassurant auprès d’un proche.
✅ Allez chercher un vrai retour critique.
✅ Allez chercher de la contradiction intelligente.
Il est nécessaire d’encourager la diversité des points de vue, l’échange et même la confrontation des idées – avec bienveillance -, afin de réduire significativement les risques de voir poindre des conclusions hâtives. En plus d’être peusatisfaisante sur le plan intellectuel, elles peuvent être désastreuses pour votre portefeuille d’investisseur.