Faut-il vendre la nouvelle ?

La semaine passée, j’ai défendu l’idée que le Trump Put était activé. Les derniers jours ont validé cette analyse. L’actuel résident de la Maison blanche fait la pluie et le beau temps sur les marchés boursiers. Le mécanisme est d’une simplicité biblique : lorsqu’il s’agit de négocier, Donald Trump bombe le torse, se frappe la poitrine et fait tournoyer au-dessus de sa tête la massue des droits de douane, faisant monter jusqu’au ciel les enchères, alors, le marché prend peur. Trump s’adoucit, redevient presque courtois, troque sa massue pour une frêle badine (enfin, cela varie en fonction des capacités de rétorsion de son interlocuteur), et le marché s’enthousiasme.
 
Ce mécanisme à deux temps a encore été visible ces derniers jours.
 
À l’occasion de l’annonce de l’accord commercial obtenu avec le Royaume-Uni, et soulignant qu’il s’attendait à des avancées substantielles avec la Chine, Donald Trump n’y est pas allé par quatre chemins le 8 mai : « vous feriez mieux d’aller acheter des actions maintenant », a-t-il déclaré. Abstraction faite de menues et sans doute totalement superflues considérations juridiques quant à une possible manipulation de marché, cela a au moins le mérite de la clarté.
 
La nouvelle d’une réduction temporaire et réciproque de la bagatelle de 115 %, excusez du peu, des droits de douane entre la Chine et les États-Unis pour les ramener à 30 % sur les biens chinois importés aux États-Unis et à 10 % sur les importations de produits américains en Chine a évidemment été saluée comme il se devait par les investisseurs. À l’heure où je rédige ces lignes, les indices américains bondissent de 3 % à 4,5 %.
 
Nous pourrions débattre à l’envi pour déterminer qui de Washington ou de Pékin l’a emporté. Je maintiens pour ma part que la Chine a gagné cette première manche. Trump a beau insister sur le fait que la Chine aurait concédé une ouverture de son économie aux entreprises américaines, l’Empire du Milieu a su intelligemment exercer une pression discrète, mais particulièrement efficace en amont des négociations. Les ventes de Treasuries de même qu’une activité portuaire en chute libre outre-Atlantique ont sans nul doute aidé à adoucir les manières de l’administration Trump. Rien de tel en effet que le spectre d’une récession qui toque à la porte pour faire vaciller un exécutif devant défendre un bilan dès les élections de mi-mandat en 2026. Un problème que ne connaît pas Xi Jinping.
 
Mais qu’importe, que j’ai raison ou non, l’essentiel n’est pas là. La détente était espérée, or elle a lieu, au moins transitoirement.
 
La question est donc de savoir s’il faut vendre la nouvelle ou au contraire surfer dessus.
 
Bien que je n’exclus nullement une respiration de la bourse après une remontée quasiment en ligne droite (+ 16 % pour le CAC 40, +18,72 % pour l’Euro Stoxx 50 et respectivement +20,9 % % et +26,5 % pour le S&P 500 et le Nasdaq entre le point bas du 7 avril et la clôture du 12 mai), une extension de la hausse me parait assez plausible.
 
Les probabilités de récession aux États-Unis refluent. Elles avaient selon selon Polymarket grimpé de 20 % environ à 64 %, entre le 20 janvier, date de l’investiture de Donald Trump, et le 8 avril, juste avant que le même Donald Trump revienne à davantage de modération. Elles sont redescendues à 40 % ce 12 mai, grâce à l’annonce de la désescalade entre les États-Unis et la Chine. Outre la dissipation des craintes de récession outre-Atlantique, les dernières annonces rendent possible d’espérer un regain du commerce mondial ces prochains mois, dans la foulée du retour des porte-conteneurs chinois sur les mers. Tout ceci est une bonne chose pour l’ensemble des marchés boursiers en général et les valeurs cycliques en particulier.

Autre soutien des marchés, le très fort pessimisme qui continue à prévaloir chez les investisseurs. Les ratios Bull/Bear (qui mesurent le rapport de force entre haussiers et baissiers) de Investors Intelligence et de l’Association Américaine des Investisseurs Individuels se situent encore tous deux à des niveaux extrêmes.  Il s’agit souvent d’un excellent signal contrarien. Les hausses se font souvent sur des murs d’inquiétude.

Est-ce que j’en ai profité pour acheter tous azimuts ?
❌Non.
 
J’ai légèrement réduit la portion de cash du portefeuille Synapses pour la faire redescendre à 24,5 % contre 26 % la semaine passée. On peut considérer que j’ai été… mesuré. Et cela est vrai.
 
Je suis resté fidèle à la stratégie de renforcement graduel des convictions les plus fortes, ce qui n’a pas empêché et n’empêchera pas des prises de profits partielles lorsque les gains sont rapides. Pourquoi une telle prudence ? Parce que je ne sais pas ce que demain réserve, mais que les probabilités d’un retour des crispations et des doutes n’est pas négligeable. Car rien n’est joué. 
 
Sur le front de la guerre commerciale, la Chine et les États-Unis se sont accordés une trêve. Rien d’autre. Je ne suis pas forcément pessimiste. Je gagerais au contraire que les choses devraient plutôt bien se passer entre Pékin et Washington, en tout cas mieux selon toute vraisemblance qu’entre le l’U.E. et les États-Unis. Ces derniers peuvent jouer les matamores, le rapport de force est trop en leur défaveur pour qu’ils ne se contentent pas d’un compromis avec l’Empire du Milieu. En revanche, l’Europe a beaucoup à perdre, et elle n’a pas dans sa main les atouts de la Chine. Si mon pronostic se révèle juste, alors nous pourrions avoir quelques séances agitées en Europe.
 
En outre, on ignore encore totalement l’impact de l’incertitude générée par le déclenchement de la guerre commerciale sur les chiffres des entreprises. Elles-mêmes ont bien du mal à le quantifier. On y verra plus clair avec la publication des chiffres du deuxième trimestre.
 
Voilà qui explique mon optimisme mesuré.
 Je ne vends donc pas la nouvelle. 
 
On pourrait même dire que je l’achète… mais à petits pas et sur repli, tout en demeurant, très, très, très sélectif.
 
Je n’ai pas accru le nombre de lignes (toujours 33 en portefeuille). Je ne veux pas aller au-delà pour pouvoir travailler efficacement mes positions. Au sein des 15 premières lignes, 10 sont directement issues des sélections Élite et des Top Picks. Nous invitons à les découvrir ici.
 
C’est le gros avantage de pouvoir effectuer une sélection reposant sur à la fois sur la qualité des fondamentaux et une analyse des forces et des faiblesses. On sait ce que l’on achète. C’est une des conditions clefs pour réussir dans le stockpicking et c’est que les Lives et les émissions avec AlphaValue me permettent d’obtenir.
 
💊 La pharmacie occupe toujours une place significative dans le portefeuille Synapses. (pondération de 18,2 %.). C’est trop, diront certains.
 
Ce n’est pas mon avis, bien que je sache pertinemment que le secteur risque de rester sous pression. Dimanche 11 mai, Trump a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il signerait un décret visant à réduire les prix des médicaments aux États-Unis de 30 à 80 %. On a vu le résultat le 12 mai avec des baisses sensibles de toutes les valeurs pharma détenues en portefeuille. Même pas peur. J’en ai au contraire profité pour renforcer certaines lignes. Dont UCB (cf. la précédente newsletter). Les valeurs de la pharmacie sont ma poche « value » au sein du portefeuille Synapses, avec une croissance attendue des bénéfices et des dividendes plutôt sympathiques en 2026. Le marché n’en veut pas pour le moment. Trump va nous offrir des points de renforcement intéressants. Tant mieux. Car si cela se passe comme avec les droits de douane infligés à la Chine, il n’y aura pas mort d’homme. Et sans nul doute de très belles opportunités à saisir au sein d’un secteur qui reste défensif.

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