Les marchés boursiers semblent bénéficier d’un soutien microéconomique solide aux États-Unis, malgré des risques croissants sur le front macroéconomique. Dans cette interview, Laurent Lamagnère décrypte les signaux contradictoires entre croissance, inflation, politique monétaire et valorisations.
Bourse : un début d’année favorable aux indices américains
Vincent Bezault : Laurent, faisons un point rapide sur la performance des principaux indices depuis le début de l’année.
Laurent Lamagnère : Les indices américains ont bien comblé leur retard ces dernières semaines. Le Nasdaq affiche désormais une performance supérieure à celle du Stoxx 600, ce qui n’était pas le cas sur les cinq premiers mois de l’année. En Europe, le DAX allemand surclasse très nettement le CAC 40, illustrant une dynamique plus favorable Outre-Rhin. En somme, la surperformance des actions européennes observée en début d’année semble désormais appartenir au passé.
États-Unis : le centre de gravité des marchés
Vincent Bezault : On observe que les marchés continuent d’être guidés par les États-Unis. C’est là que les décisions se prennent, notamment sous l’impulsion de Donald Trump.
Laurent Lamagnère : Absolument. Il existe plusieurs facteurs de soutien à la croissance américaine. D’abord, une déréglementation progressive favorise la prise de risque des acteurs économiques. Ensuite, un stimulus fiscal puissant, en particulier pour les entreprises, permet un amortissement accéléré des investissements, ce qui stimule l’activité. À cela s’ajoutent des droits de douane dissuasifs qui contraignent les entreprises étrangères à investir localement. C’est une politique de “Trumponomics” assumée : contraindre les partenaires à relocaliser, au bénéfice de l’économie américaine.
Vincent Bezault : Et ce qui renforce cette compétitivité, c’est aussi la baisse du dollar, non ?
Laurent Lamagnère : Oui, cette baisse améliore les termes de l’échange. Les produits américains deviennent plus compétitifs à l’export, alors que les importations se renchérissent. En renforçant unilatéralement leur pouvoir de négociation, les États-Unis imposent des accords commerciaux déséquilibrés, à leur avantage, comme l’illustrent les récentes discussions avec le Vietnam. Cela explique en partie la confiance accrue des investisseurs particuliers américains dans les perspectives économiques.
Des perspectives de bénéfices encore favorables
Vincent Bezault : Revenons sur les perspectives de croissance. On note que le consommateur américain reste actif, que le marché de l’emploi tient bon malgré tout, et que la révision à la baisse des bénéfices passés ouvre potentiellement la voie à de bonnes surprises pour les publications du deuxième trimestre.
Laurent Lamagnère : Oui, au T2, les conditions sont réunies pour des publications solides, surtout aux États-Unis. À ce stade, moins de 5 % des sociétés ont publié, mais les premières tendances indiquent une surprise positive liée, entre autres, à l’effet devise. L’euro s’est apprécié d’environ 15 % face au dollar depuis le début de l’année, ce qui pénalise les résultats des groupes européens mais bénéficie mécaniquement aux entreprises américaines. C’est un effet de change de translation : il ne modifie pas la réalité économique, mais il impacte les chiffres publiés.
Inflation, Fed, Trump : les risques s’accumulent
Vincent Bezault : Cela conforte donc l’idée d’une dynamique positive pour les actions américaines à court terme, mais cela n’exclut pas des risques structurels plus profonds. Le premier danger identifié concerne une possible résurgence de l’inflation, alimentée notamment par la guerre commerciale en cours.
Laurent Lamagnère : L’impact inflationniste de cette guerre commerciale est encore discret, mais il pourrait monter en puissance. C’est une diffusion lente, mais potentiellement durable. Et si l’inflation repart à la hausse, cela remettrait en question la stratégie de la Réserve fédérale (Fed), notamment la perspective d’une baisse des taux.
Vincent Bezault : Il y a aussi une tension entre l’administration Trump et la Fed…
Laurent Lamagnère : Clairement. Trump cherche à contrôler la Fed, à l’affaiblir dans son rôle traditionnel d’institution indépendante. Pourquoi ? Parce que face à des déficits budgétaires croissants, l’administration a besoin d’une politique monétaire accommodante, avec des taux bas pour financer la dette à moindre coût. En prenant le contrôle de la Fed, elle pourrait aussi soutenir les banques et stimuler davantage l’économie, au risque de relancer l’inflation.
Les moteurs de l’inflation U.S.
Vincent Bezault : Mais ce projet suscite des oppositions…
Laurent Lamagnère : Une partie du camp républicain, notamment les conservateurs économiques, est très attachée à la stabilité monétaire et à l’indépendance de la banque centrale. Ils voient d’un très mauvais œil cette tentative de mise au pas. Et si la Fed perd son autonomie, c’est la crédibilité du dollar qui pourrait en pâtir.
Vincent Bezault : Toujours sur l’inflation, il y a également l’impact de la politique migratoire ?
Laurent Lamagnère : Oui. Les restrictions à l’immigration entraînent un assèchement du marché du travail, avec une pression haussière sur les salaires. Moins d’offre de travail, demande constante : les salaires montent. C’est une boucle prix-salaires qui s’installe.
Vincent Bezault : Et la baisse du dollar, en rendant plus chers les produits importés, n’aide pas non plus ?
Laurent Lamagnère : Exactement. Elle renforce la compétitivité à l’export, mais elle alourdit les coûts d’importation, ce qui se traduit aussi par de l’inflation importée.
Vincent Bezault : Donc, à court terme, on a une microéconomie solide, mais une macroéconomie qui inquiète…
Laurent Lamagnère : Il y a effectivement deux forces opposées. D’un côté, les soutiens à la croissance via la déréglementation et les mesures fiscales. De l’autre, les tensions inflationnistes qui pourraient contrarier le scénario d’une baisse des taux de la Fed. D’ailleurs, le marché n’anticipe plus de baisse en juillet, et table désormais à 60 % sur une baisse en septembre, sous réserve des prochains chiffres d’inflation.
Risque stagflationniste : un scénario redouté par la Fed
Vincent Bezault : Est-ce qu’on ne redoute pas un scénario stagflationniste aux États-Unis ? Une croissance molle avec une inflation persistante ?
Laurent Lamagnère : C’est exactement ce qui inquiète la Fed. Ce type de scénario est le plus complexe à gérer, car on ne peut ni stimuler (à cause de l’inflation), ni freiner (à cause de la faible croissance). Il y a aussi des signaux faibles, comme le sujet des prêts étudiants, qu’il ne faut pas négliger.
Prêts étudiants, consommation et risque sur le crédit
Vincent Bezault : Revenons sur le sujet des prêts étudiants, que plusieurs abonnés nous ont signalé comme préoccupant. On observe une hausse rapide des défauts de paiement, n’est-ce pas ?
Laurent Lamagnère : En effet. Les taux de défaut sur les prêts étudiants sont repartis à la hausse de manière exponentielle. On revient certes à des niveaux proches de ceux d’avant-Covid, mais la vitesse du rebond est préoccupante. Il faut comprendre que les bénéficiaires de ces moratoires avaient pris de nouvelles habitudes de consommation. Leur retour brutal à la réalité du remboursement représente un choc.
Vincent Bezault : Et ces emprunteurs appartiennent à une catégorie socio-économique vulnérable…
Laurent Lamagnère : Exactement. Ce sont souvent de jeunes adultes, peu insérés sur le marché de l’immobilier, avec des revenus limités. Les chiffres sont frappants : 45 millions d’Américains détiennent des prêts étudiants, pour un total de 1 500 milliards de dollars, soit en moyenne 35 000 dollars par emprunteur. Parmi eux, 18,9 millions sont en phase de remboursement actif. Et déjà, 6 millions accusent des retards de paiement, tandis que 5,3 millions sont en défaut de paiement. Cela fait plus de 11 millions de personnes dont le score de crédit se dégrade, dans une économie qui dépend massivement du crédit.
Immobilier : le spectre de 2008 ?
Vincent Bezault : Et du côté des marchés hypothécaires, est-ce qu’on observe la même tension ?
Laurent Lamagnère : Pour l’instant, non. Les taux hypothécaires restent relativement stables et les prix de l’immobilier se tiennent. Tant que les prix montent, les emprunteurs conservent leur crédit. Mais attention : si les prix commencent à baisser, les ménages pourraient rendre les clés à leur banque, comme en 2008. Aux États-Unis, cette possibilité de défaut sans stigmatisation existe réellement.
Vincent Bezault : Et on observe déjà une hausse des défauts sur les crédits auto et les cartes de crédit, ce qui montre un certain épuisement de la consommation.
Laurent Lamagnère : Oui. C’est un signal avancé à surveiller de près, car il touche une partie fragile de la population. C’est aussi un argument pour considérer qu’un ralentissement est possible, voire probable.
Trump, dette publique et illusion fiscale
Vincent Bezault : On a aussi abordé l’enjeu de la dette publique américaine. L’administration Trump parie sur des droits de douane massifs pour financer ses baisses d’impôts. Est-ce un pari tenable ?
Laurent Lamagnère : C’est un pari risqué. En effet, les droits de douane ont rapporté 88 milliards de dollars au premier trimestre, ce qui extrapolé donne 350 milliards par an. Cela donne l’illusion qu’on peut aller plus loin : pourquoi pas 700 milliards avec 20 % de droits ? Mais au final, c’est le consommateur américain qui paie. C’est une forme de fiscalité indirecte, déguisée en mesure protectionniste.
Vincent Bezault : Donc, on passe d’un stimulus fiscal à une ponction fiscale, via les droits de douane.
Laurent Lamagnère : Exactement. Le protectionnisme a des effets à court terme favorables pour les recettes de l’État, mais à long terme, il alimente l’inflation et pénalise le pouvoir d’achat. Et si les produits étrangers sont remplacés par des produits américains, cela réduit la concurrence… ce qui peut dégrader la qualité et augmenter les prix.
Le coût caché des taux longs
Vincent Bezault : Un mot sur les taux longs américains qui remontent. C’est un phénomène qu’on observe aussi au Japon et au Royaume-Uni.
Laurent Lamagnère : Oui. La remontée des taux longs traduit une crainte généralisée : celle de voir les États recourir à plus de création monétaire pour financer leurs déficits. Et si Trump contrôle la Fed et baisse les taux courts, les détenteurs de dette – en majorité domestiques – verront leur revenu chuter. Passer de 4 % à 1 %, c’est une perte de 75 % sur les revenus d’intérêts. Ce qui est bon pour l’État peut être très mauvais pour l’épargnant.
États-Unis : quand les particuliers font le marché
Vincent Bezault : Laurent, on a parlé des risques macro, mais il faut aussi évoquer la structure du marché américain. Aujourd’hui, ce sont les investisseurs particuliers qui dictent le tempo, non ?
Laurent Lamagnère : Oui, c’est une évolution majeure. On constate que la part des particuliers dans les volumes échangés est au plus haut depuis quinze ans. À cela s’ajoute la montée en puissance des fonds quantitatifs systématiques, qui utilisent des stratégies de trend following (suivi de tendance) à haute fréquence. Ces fonds, comme les particuliers, ont un comportement pro-cyclique : ils amplifient les mouvements de marché.
Vincent Bezault : Les investisseurs institutionnels, eux, sont beaucoup plus prudents.
Laurent Lamagnère : Tout à fait. Les enquêtes d’opinion montrent que leur exposition nette est faible. Ce sont les retails qui alimentent la hausse actuelle. Et quand ces derniers décident de vendre, ils le font en masse, avec des effets de panique. En cas de retournement, cela pourrait créer une volatilité importante.
Fragilité structurelle du marché américain
Vincent Bezault : C’est une forme de fragilité structurelle : un marché propulsé par des flux non rationnels et réactifs.
Laurent Lamagnère : Absolument. L’investisseur particulier suit la tendance, mais il est aussi très sensible à la volatilité. Cela crée un marché moins stable, avec des risques accrus en cas de choc.
Vincent Bezault : Et cette dynamique est amplifiée par les algorithmes des fonds quantitatifs, qui réagissent instantanément à chaque variation.
Laurent Lamagnère : Oui, on pourrait dire que ces acteurs créent une boucle de rétroaction. La hausse attire les achats, les achats entretiennent la hausse… jusqu’au moment où le système se retourne, parfois brutalement.
Valorisations en Europe : prudence recommandée
Vincent Bezault : Passons à l’Europe. Du côté des valorisations, on a l’impression que les marchés sont chers, surtout hors financières et cycliques profondes.
Laurent Lamagnère : C’est notre lecture. En moyenne, le marché européen se traite 15,7 fois les bénéfices attendus en 2025. Mais si l’on exclut les financières et les cycliques profondes, on grimpe à 18,4 fois, pour une croissance des bénéfices de seulement 4,2 %.
Vincent Bezault : Et les prévisions ont été revues à la baisse…
Laurent Lamagnère : Oui, la croissance des bénéfices pour 2025 était estimée à 11 % il y a un an. Elle n’est plus que de 3,72 %. Ce type de révision baissière rapide traduit un environnement incertain. Et cela rend les valorisations actuelles vulnérables à toute mauvaise surprise.
Bourse : un marché déjà cher, face à la hausse des taux
Vincent Bezault : Même avec des taux longs qui remontent, les marchés ne corrigent pas. Pourtant, en théorie, cela devrait pénaliser les actions.
Laurent Lamagnère : C’est une autre source d’inquiétude. À 18,4 fois les bénéfices, dans un contexte de taux longs en hausse, le marché paraît surévalué historiquement. Ce décalage entre valorisation élevée et rendement exigé est difficilement tenable.
Vincent Bezault : Et en cas de révision des bénéfices 2026 (prévue aujourd’hui à +10,6 %), on pourrait avoir un ajustement brutal…
Laurent Lamagnère : Tout à fait. Si la croissance bénéficiaire 2026 est elle aussi revue à la baisse, ce qui est probable, les niveaux de valorisation actuels ne seront plus justifiables. Cela plaide clairement pour une approche prudente et sélective.
Bourse : quels secteurs surveiller en Europe ?
Vincent Bezault : Entrons maintenant dans l’analyse sectorielle européenne. Quels secteurs ont le plus surperformé récemment ?
Laurent Lamagnère : On note un retour sur les métaux et mines, les matériaux de construction et les biens d’équipement. Ce sont des secteurs cycliques, qui ont tendance à surperformer en fin de cycle, lorsque la croissance ralentit et que l’inflation progresse.
Vincent Bezault : Est-ce un signal que nous sommes justement en fin de cycle ?
Laurent Lamagnère : C’est possible. Ce rebond pourrait refléter une anticipation de relance, notamment en Chine, où un plan de soutien est attendu. Ces secteurs servent aussi de leviers cycliques pour les investisseurs qui cherchent à se positionner sur une éventuelle reprise.
Les secteurs sous pression
Vincent Bezault : Et du côté des secteurs en difficulté, on retrouve des valeurs pourtant perçues comme défensives, comme la pharma…
Laurent Lamagnère : Oui, c’est paradoxal. En théorie, en fin de cycle, la pharma est recherchée pour sa résilience. Mais aujourd’hui, elle subit des menaces concrètes, en particulier la volonté de l’administration Trump d’appliquer des droits de douane sur les produits pharmaceutiques étrangers. Or, le marché américain reste de très loin le plus important au monde pour ce secteur.
Vincent Bezault : Il y a aussi une forme de rigueur accrue dans les procédures d’autorisation.
Laurent Lamagnère : Absolument. La FDA semble adopter une posture plus prudente sur certains médicaments, notamment les vaccins récents. Ce durcissement réglementaire, ajouté aux menaces commerciales, rend le contexte incertain pour les grands laboratoires européens.
Vincent Bezault : On observe aussi une sous-performance dans le papier/emballage et le matériel informatique.
Laurent Lamagnère : Ce sont des segments plus cycliques, et ils souffrent à la fois de la hausse des coûts et de l’incertitude sur la demande. Le matériel informatique, notamment, est très sensible aux investissements d’entreprises, qui peuvent être reportés en cas de tensions économiques.
ividendes : où trouver du rendement ?
Vincent Bezault : Dans ce contexte, les investisseurs cherchent du rendement immédiat. Quels secteurs offrent aujourd’hui les meilleurs dividendes à 18 mois ?
Laurent Lamagnère : On retrouve en tête les pétrolières, les banques, les assureurs et les utilities. Ce sont des secteurs qui génèrent beaucoup de cash, avec des bilans solides, et qui restent historiquement de gros pourvoyeurs de dividendes.
Vincent Bezault : Le pétrole, notamment, semble très bien positionné.
Laurent Lamagnère : Oui, malgré les velléités de diversification vers les renouvelables, les groupes pétroliers restent extrêmement rentables. Ils rachètent leurs actions ou distribuent massivement des dividendes. Les banques et les assurances bénéficient également d’un environnement porteur, bien que leur valorisation soit désormais redevenue plus normale après des années de sous-valorisation.
Vincent Bezault : Et en termes de sensibilité aux taux longs ?
Laurent Lamagnère : C’est fondamental. Les sociétés qui versent beaucoup de dividendes maintenant ont une duration courte, donc elles sont moins sensibles à la hausse des taux. À l’inverse, une entreprise de croissance qui ne paie pas de dividende est plus vulnérable. C’est une logique de valorisation obligataire : plus les flux sont lointains, plus leur valeur actuelle baisse quand les taux montent.
Les secteurs à éviter : foncières et automobile
Vincent Bezault : Y a-t-il des secteurs que tu éviterais aujourd’hui ?
Laurent Lamagnère : Deux principalement. D’abord, les foncières. Elles sont directement exposées à la hausse des taux longs, qui dégrade la valeur de leurs portefeuilles immobiliers. Ensuite, le secteur automobile, pour deux raisons : une réglementation européenne trop contraignante, qui oblige à investir massivement dans des normes de réduction des émissions, et une concurrence chinoise féroce.
Vincent Bezault : Même si les valorisations sont faibles, tu restes prudent.
Laurent Lamagnère : Oui. C’est une course à l’investissement que les constructeurs européens ne peuvent pas gagner dans les conditions actuelles. Tant que la réglementation CO2 n’est pas adaptée à la réalité du marché, le secteur restera sous pression. Les véhicules électriques ne trouvent pas leur public aussi vite qu’espéré, et cela fragilise tout l’équilibre économique.
Valeurs défensives : utilities, télécoms, alimentation
Vincent Bezault : Et du côté des secteurs défensifs ?
Laurent Lamagnère : Les utilities et les télécoms restent de bons candidats. Ce sont des entreprises très domestiques, peu exposées au commerce international, et donc protégées des tensions commerciales entre les États-Unis, l’Europe et la Chine. Elles offrent aussi des rendements attractifs. On peut y ajouter la distribution alimentaire, qui bénéficie d’un profil défensif par nature.
Pharma : un potentiel intact, mais un timing délicat
Vincent Bezault : Laurent, regardons maintenant les potentiels sectoriels tels qu’évalués par vos analystes. La pharma semble offrir l’un des plus forts potentiels. Mais est-ce trop tôt pour y revenir ?
Laurent Lamagnère : C’est une bonne question. Si l’on raisonne en investisseur actif, avec une gestion tactique à court terme, je dirais : prudence. Le flux de nouvelles risque de rester négatif dans les prochaines semaines, surtout avec la rhétorique américaine actuelle. En revanche, si l’on adopte une perspective long terme, la pharma reste incontournable.
Vincent Bezault : Certaines valeurs semblent même déjà trop décotées par rapport à leurs fondamentaux…
Laurent Lamagnère : Tout à fait. Je pense notamment à Novo Nordisk, dont la valorisation actuelle nous paraît déraisonnablement basse compte tenu de ses perspectives. La croissance bénéficiaire y est quasi garantie sur plusieurs années. Donc, à court terme, c’est un dossier à surveiller. À long terme, c’est un achat clair.
Métaux et mines : encore du potentiel ?
Vincent Bezault : Du côté des métaux et mines, malgré leur bonne performance récente, ils figurent encore parmi les secteurs à plus fort potentiel.
Laurent Lamagnère : C’est vrai. Ce secteur reste cyclique et difficile à manier, mais il y a de belles opportunités. Trois titres retiennent notre attention : Glencore, BHP (Bolidon) et Norsk Hydro. Ces entreprises se traitent actuellement à leur valeur comptable, ce qu’on appelle la book value. Historiquement, c’est un niveau plancher.
Vincent Bezault : À condition que cette valeur comptable ne soit pas elle-même révisée à la baisse…
Laurent Lamagnère : Bien sûr. Mais dans les trois cas, nos analystes sont confiants : pas d’impairment attendu, ni de dépréciation significative des actifs. Ces titres ont donc un fort levier si le cycle redémarre, notamment en lien avec une relance chinoise ou une amélioration de la conjoncture industrielle mondiale.
Publication des résultats : prudence à court terme
Vincent Bezault : Revenons au court terme. Nous sommes en période de publication des résultats. Est-ce un facteur de risque supplémentaire ?
Laurent Lamagnère : Oui. Il y a encore beaucoup d’incertitude sur les impacts des droits de douane. Les entreprises commencent à communiquer sur le sujet, mais elles n’ont souvent aucune visibilité réelle. Cela peut créer des doutes sur les guidances, notamment en Europe, où le risque de change et les tensions commerciales pèsent davantage.
Vincent Bezault : D’autant que les valorisations européennes sont déjà jugées tendues…
Laurent Lamagnère : Exactement. Dans ce contexte, il vaut mieux se concentrer sur des valeurs de qualité, défensives et peu exposées aux tensions internationales.
Arbitrages stratégiques : vers une exposition plus défensive
Vincent Bezault : Pour résumer : quels arbitrages privilégier dans le contexte actuel ?
Laurent Lamagnère : Il faut être sélectif. Sur le court terme, privilégier les valeurs peu sensibles au dollar, non exposées aux États-Unis, avec des flux domestiques stables. Cela inclut les banques régionales, les utilities, les télécoms, et certaines valeurs de la distribution alimentaire.
Vincent Bezault : Et éviter les secteurs exposés à la guerre commerciale ou à la hausse des taux ?
Laurent Lamagnère : Oui. Les foncières, les constructeurs automobiles européens et certains segments de la pharma doivent être approchés avec prudence. La clé, c’est d’éviter les secteurs où l’incertitude réglementaire ou politique vient s’ajouter aux doutes économiques.
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