La question de la méthode boursière est interpellante à plus d’un titre, car il n’aura échappé à personne que ceux qui réussissent le mieux en bourse ont tous un profil… différent.
Il y a les chanceux, les héritiers aux ressources profondes, les émotifs, les analytiques, les adeptes du follow the trend, les authentiques contrariens, les spielers frénétiques, et même quelques hurluberlus qui pondent des modèles mathématiques très sophistiqués pour aboutir à des des règles statiques qui consistent à acheter des actions tous les jours, sauf si la veille le marché a perdu au moins 1 %, ou encore de n’acheter que des titres à certains jours ou mois de cotation.
Qu’on débute ou non, tout cela peut sembler assez confus. Les conflits de méthodologies et de stratégies battant leur plein, trouver sa voie devient un véritable périple. Et ce qui n’aide pas, c’est que chacun invoque son argument fétiche pour convaincre qu’il a plus raison que ses opposants.
C’est de bon aloi, car toutes ces approches… fonctionnent.
Buy the dip (NDLR : achetez les creux)
L’un des mantras les plus plébiscités sur la toile, est devenu le référentiel commun d’une nouvelle génération d’investisseurs dont la règle privilégiée de l’investissement se limite à passer à l’achat dès qu’un creux de marché se présente. Chaque fluctuation baissière est structurellement interprétée comme une opportunité, et basta.
Une étude de S&P Global Market Intelligence datant de 2018 a rapporté qu’une stratégie d’achat des titres ayant baissé de 10% sur une seule journée par rapport à l’indice Russel 1000 a dégagé une superformance de 28% en 240 jours, comparé à une gestion moins agressive sur l’achat des dips.
Plutôt alléchant sur le principe, car simple à mettre en place. Après tout, pourquoi pas, mais justement, peut-être trop simpliste, qu’en dites-vous ?
Acheter les top
Didier Darcet, de Gavekal-IS, a quant à lui présenté les conclusions de ces recherches qui semblent, à l’inverse, souligner qu’acheter les top de marché pourrait finalement être… une bonne idée. Et que le rendement final obtenu pourrait être significativement supérieur par rapport à celui obtenu par des investisseurs plus frileux vis-à-vis des sommets. Il invoque notamment le cas de l’or ou du Bitcoin au cours des dernières années.
Une stratégie qui aurait consisté à interpréter chaque nouveau top comme un signal de fin de cycle aurait raté toute la hausse des deux dernières années sur les deux actifs, qui ont enchaîné les records.
Intéressant et contre-intuitif pour le coup. Mais là encore, ça sonne peut être trop mécanique. Peut être.
Le Lump-sum
Viennent ensuite ceux qui revendiquent que l’investissement en lump-sum (investissement d’une somme importante en une seule transaction) – qui défie donc la logique de l’investissement régulier et constant de type DCA – est la meilleure méthode pour gagner sur le long terme.
Reconnaissons que quelques études ont le mérite de défendre cette thèse : investir en lump-sum est majoritairement plus rentable qu’en DCA, sur des périodes courtes, d’un à 2 ans, mais aussi sur des périodes plus longues, allant jusqu’à 7 ans, respectivement d’après Vanguard, Morgan Stanley et ofDollar&Datasur des données analysées auprès des investisseurs américains.
Ce n’est pas rien, tout de même. Cela invite clairement à afficher ses convictions et à les assumer pleinement. Encore faut-il en avoir, me direz-vous.
Le spieler
Autre cas plutôt contre-intuitif, ou en tout cas à rebours de l’idée qu’on peut se faire de l’investissement tel que devrait le pratiquer les non-initiés : le spieling.
Le spieler – le spéculateur ou le parieur en français – c’est ce courageux, téméraire et fou sur les bords, qui prend des positions marquées, qui change d’avis aussi vite qu’une girouette, si cela peut servir ses intérêts, et qui n’hésite pas à mouiller les couches lorsqu’il s’agit de mettre son cash sur la table.
Clairement, il affiche ses convictions à coup de trades profonds. Il n’est pas là pour enfiler des perles, mais pour scorer, quitte à se planter royalement.
En bref, c’est le profil agressif typique qui peut très bien faire all-in sur un coup de tête, sans penser à la moindre stratégie de couverture. C’est la froideur du lump-sum appliquée à des paris que l’on prend. Pas le temps de faire un DCA pour espérer gagner un faible 8%/an, non. On préfère chercher des multiples immédiats sur des positions à risque, et miser gros, pour que ces multiples génèrent des rendements maintenant, et pas de manière lissés sur 30 ans.
Comme le font n’importe quel fonds de venture capital (VC), les tenants du spieling structurent leur portefeuille avec plusieurs paris risqués, en se figurant que si au moins l’un deux réussi, alors l’ensemble du portefeuille sera extrêmement profitable.
Et là encore, on l’observe.
Selon VenCap, un gestionnaire de fonds spécialisé dans le venture capital, né en 1987, la distribution des rendements suit une loi de puissance. Une minorité d’acteurs vont donc délivrer des performances exceptionnelles (hyper-performances), tandis que la grande majorité des autres candidats à l’investissement délivreront peu voire pas de résultats.
Tout la stratégie des VC consiste donc à s’assurer d’avoir en portefeuille suffisamment d’hyper-performeurs pour compenser la faiblesse des autres lignes, tout en dégageant une marge confortable.
Et à l’échelle des particuliers, des portefeuilles de ce type ne manquent pas.
Des GAFAM au Bitcoin en passant par quelques cryptos plus confidentielles, il devient de moins en moins rare de trouver des paris risqués et audacieux dans les comptes-titres ou les wallets de tout un chacun.
Selon une étude de EY-Parthenon réalisée auprès d’investisseurs américains en 2022, 64 % des sondés investissent déjà dans des actifs numériques (cryptomonnaies ou produits liés) et 69 % prévoient d’accroître cette allocation dans les 2-3 ans.
En février 2025, JPMorgan Chase Institute a publié une étude qui observait qu’environ 17 % des titulaires de comptes chèques avaient déjà transféré des fonds vers des crypto-comptes, souvent lors de pics de marché. Des sommes pouvant atteindre jusqu’à une semaine de salaire net investies en une seule transaction, et portant l’allocation en crypto à environ 5% de la valeur totale du portefeuille.
Avec une performance annuelle moyenne entre 50% et 65% pour le Bitcoin sur les 13 dernières années (selon le point de départ et différentes sources comme CoinMarketCap, YCharts ou Glassnode), on peut gager que la loi de puissance décrite plus haut a formidablement bien servi les intérêts de ces investisseurs qui ont accepté de nouveaux types de paris en tablant sur des hyper-performances au-delà des standards habituels, comme Bitcoin.
N’oublions pas d’ailleurs que c’est ce genre de pari risqué qui a accompagné, pour l’essentiel, la bonne performance d’une très grande majorité des investisseurs traditionnels également.