Vous n’avez encore jamais pris de décisions boursières… par vous-même

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La semaine passée, nous évoquions le rôle de l’intuition comme ressource cognitive et nous nous demandions si un investisseur pouvait — ou devait — s’y fier.
 
Mais parler d’intuition soulève une question plus vertigineuse encore : peut-on la mobiliser consciemment ? Et c’est bien ce terme – consciemment – qui va nous préoccuper dans cette édition. 
 
Explorons ensemble les mécanismes de la conscience et du libre arbitre, à travers une expérience marquante des neurosciences cognitives menée en 1983 par Benjamin Libet.
 
Intuition et libre arbitre : un faux dilemme ?
 
Par définition, l’intuition est un processus rapide, automatique et préconscient. Une forme de raccourci neuronal fondée sur l’expérience, la mémoire, et des signaux faibles traités en arrière-plan.
 
Prenons un exemple :
 
Vous avez l’intuition qu’Apple va surperformer cet été. Pourtant, vous n’avez consulté aucune donnée précise. Mais votre cerveau, lui, a peut-être capté des indices à un niveau inconscient : des notifications survolées, mais globalement positives, un bruit médiatique en toile de fond, ou encore le comportement confiant de vos pairs à l’égard de l’entreprise. Tout cela peut suffire à produire une conclusion intuitive, avant même que vous ne l’ayez formulée consciemment.
 
Mais que se passe-t-il lorsque cette intuition se transforme en action d’investissement ? Lorsque vous décidez d’agir sur cette base, est-ce bien une décision pleinement consciente ? Ou s’agit-il plutôt d’un choix déjà amorcé par votre cerveau, avant même que vous ne puissiez en revendiquer la paternité cognitive ?
 
L’expérience de Libet : quand le cerveau décide avant vous
 
En 1983, Benjamin Libet, neurophysiologiste à l’Université de Californie, réalise une expérience qui va bouleverser notre conception de la décision. Bien que son expérience soit sujette à controverse, elle a néanmoins été réalisée avec le minimum de rigueur scientifique nécessaire pour que sa démarche soit saluée.
 
En 2003, l’Université de Klagenfurt (Autriche) lui décerne un prix académique honorifique, surnommé « prix Nobel virtuel de psychologie », en reconnaissance de ses travaux sur la conscience — une distinction symbolique, dans la mesure où il n’existe pas de prix Nobel dans cette discipline.
 
L’objectif de Libet est simple : déterminer si la conscience précède, ou non, l’activation cérébrale précédant une action volontaire. Les participants doivent bouger leur poignet à un moment librement choisi. Pendant ce temps, un EEG (électroencéphalogramme) enregistre l’activité cérébrale, et les participants indiquent quand ils ont eu l’intention consciente de bouger.
 
Depuis les années 1960, il a été établi que tout mouvement volontaire est généralement précédé d’un potentiel de préparation (readiness potential), qui se manifeste sur l’EEG (électroencéphalogramme) par une déflexion caractéristique –c’est-à-dire une modification transitoire de l’amplitude du signal électrique. C’est sur cette base que Libet cherche à déterminer si la conscience précède ou suit ce signal neuronal.
 
En ce qui concerne l’expérience, l’EEG des participants a indiqué qu’à 550 ms avant le mouvement du poignet, un potentiel de préparation apparaît dans le cerveau. A 200 ms, donc 350 ms plus tard, le participant prend conscience de son intention. Et à 0 ms, l’action est exécutée.
 
Voici un schéma qui représente plus clairement l’expérience.

L’expérience semble donc indiquer que l’activation cérébrale précède la conscience de l’intention. Autrement dit, le cerveau a déjà initié l’action avant même que nous en ayons conscience.
 
Mais alors, se pose une nouvelle question : pourquoi doter le cerveau humain d’une conscience si ce n’est pas elle qui pilote la machine ?

Le rôle du “veto” : un libre arbitre minimal ?
 
Benjamin Libet ne conclut pas à l’inexistence du libre arbitre. Il propose une nuance essentielle : la conscience n’initie pas l’action, mais elle peut l’inhiber.
 
Il appelle cela le “veto conscient” : nous ne décidons pas toujours de dire “go”, mais nous pouvons dire “no”.
 
Dans le cadre de l’investissement, cela revient à dire que notre décision d’acheter un titre n’est peut-être qu’une formalisation verbale postérieure d’un choix déjà amorcé intérieurement, par tout un arsenal de processus cognitifs si rapides et efficaces que l’action semblait évidente avant même que nous ne l’analysions.
 
Le rôle de la conscience se limiterait à valider ou rejeter ce que le système automatique a enclenché.
 
Fascinant, mais un peu déroutant.
 
Investir : une décision… probablement (in)consciente ?
 
Cela éclaire d’un jour nouveau le comportement de l’investisseur.
Celui-ci se croit souvent rationnel et libre dans ses choix.

Pourtant, ses décisions pourraient être encore plus largement déterminées qu’attendues par :
 
– des automatismes cognitifs
– des biais acquis
– des stimuli extérieurs, passés et présents
 
Mais alors, pourquoi certains investisseurs réussissent mieux que d’autres ? Pourquoi une grande majorité affiche des performances proches de la moyenne, quand une minorité semble dominer ?
 
Si l’information est partagée, et si le libre arbitre est limité, les performances devraient converger… non ?
 
Eh bien oui… et non.

D’une part, comme nous l’avons vu la semaine passée, l’intuition dépend de la qualité des stimuli. Mille investisseurs exposés à des analyses médiocres ne développeront pas les mêmes connexions que mille autres nourris à la prose de Warren Buffett.
D’autre part, le veto conscient pourrait jouer un rôle central.
 
Prenez Peter Schiff : investisseur renommé et réputé dont la carrière pourrait en faire pâlir d’envie plus d’un. Il est néanmoins très critique sur Bitcoin, qu’il voue aux gémonies et voit presque chaque année retourner à zéro.

Ce n’est vraisemblablement pas par manque d’informations qu’il boude la reine des cryptos, mais plutôt par veto conscient, fondé sur la conviction qu’il existe de meilleures opportunités ailleurs. Ses convictions profondes s’exprimeraient donc à travers son veto conscient.
 
Nourrir son esprit pour mieux agir (inconsciemment) ?
 
Ne tombons pas pour autant dans la même naïveté qui pousse nombre de parents à croire que faire écouter Mozart en boucle à leur enfant suffit à faire de lui un génie. Le cerveau ne se nourrit pas passivement. Et un seul ingrédient ne suffit pas à constituer un repas équilibré. Le cerveau assimile activement ce qu’il perçoit, ce qui suppose de filtrer consciemment ce qui mérite d’être intégré.
 
C’est précisément notre mission chez Synapses.
 
Nous vous évitons d’avoir à mobiliser votre veto conscient pour trier l’information. Nous sélectionnons et croisons pour vous des débats d’experts, des analyses et des stratégies afin d’alimenter votre système intuitif d’investisseur.
 
👉 Chaque mois, nos membres participent à des sessions live pour :
 
– faire le point sur les opportunités
– renforcer leur expérience d’investisseur
– capitaliser sur les erreurs, les expériences et les opinions partagées
 
Avec un objectif simple : que, le moment venu, votre veto conscient ne vous fasse pas rater la meilleure opportunité du moment.
 

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