Le pactole des droits de douane !

pactole-droit-douane-usa-synapses

Histoire de passer pour un vieux radoteur, je rappellerai au risque de vous faire bâiller que selon ma modeste, mais désormais assez longue expérience, s’efforcer de performer sur les marchés boursiers consiste d’abord à évaluer le risque pris, ce qui revient à tenter, bien modestement, de jauger les forces en mouvement, celles qui sont manifestes comme les invisibles, les telluriques comme les conjoncturelles. 
 
Elles ont chacune leur tempo, leur vitesse, leur puissance et surtout leur logique. Elles sont parfois synchrones et à d’autres moments déphasées. Parfois, elles s’alignent, mais il arrive que l’une chasse l’autre et, en d’autres périodes, elles convergent et se mêlent les unes aux autres, créant alors un élan — une tendance. Il arrive aussi qu’elles se neutralisent ou qu’elles soient si antagonistes qu’elles créent le chaos. L’évaluation de ces forces ainsi que de la lecture que peut en faire le marché nous fournit une idée du risque couru, et, par conséquent, nous donne une idée de la visibilité offerte et de la manière dont nous devons calibrer la prise de risque au sein de notre portefeuille.
 
Le pactole des droits de douane !
 
Essayons donc de soupeser les forces à l’œuvre et de circonscrire les zones d’incertitude. Commençons par ces dernières. Bien malin celui qui peut prédire quels seront les droits de douane définitivement retenus par l’administration Trump.
 
À l’instant où, pour coucher ses lignes, je m’acharne à frapper aussi frénétiquement sur mon clavier que Jerry Lee Lewis sur le sien, les gros titres de la presse financière se veulent assez alarmistes. À en croire, l’Union Européenne se prépare au pire. Ce qui paraît plutôt sensé eu égard au fait que les premières recettes provenant des droits de douane collectés par l’administration Trump ne peuvent que la faire saliver.
 
En 3 mois, 88 milliards de dollars sont tombés dans l’escarcelle de l’Etat fédéral. L’application d’une simple règle de 3 suffit à faire miroiter une recette annuelle de 350 milliards de dollars… 350 milliards de dollars obtenus avec seulement 10% de droits de douane. Pourquoi ne pas doubler cette recette ? Il suffit de doubler les droits de douane ! A Washington, la tentation de les porter à 20 % existe. Donald Trump y succombera-t-il ? Comme tout bon joueur, il serait avisé de ne pas pousser sa chance trop loin, mais l’hubris triomphe parfois de la retenue et, en état de cause, personne ne sait ce qu’il décidera.
 
Un airbag de 18 % de cash 
 
En attendant d’être fixé… Je préfère avoir du cash de côté dans le portefeuille Synapses — 18 % toujours et encore.
 
Je m’accroche à cette réserve comme un alpiniste à son piolet, et d’autant plus fort que les signaux micro- et macro-économiques outre-Atlantique s’avèrent plutôt dissonants.
 
Bonnes surprises en vue à Wall Street 
 
Du côté de la micro, je pense sincèrement que les signaux sont au vert aux États-Unis. Les publications de résultats du deuxième trimestre devraient être de bonne facture. 

Comme vous le voyez dans le graphique ci-dessus, les bénéfices par action forward à 12 mois (en rouge) progressent. Quant aux prévisions de croissance des bénéfices pour les exercices 2025 et 2026, après s’être stabilisées, elles font mine de se redresser. 
 
Il semblerait que depuis avril les analystes y soient allés un peu trop fort dans les révisions à la baisse, et que les résultats du deuxième trimestre risquent de surprendre favorablement. La dépréciation du dollar a procuré aux entreprises américaines un surcroît de compétitivité sur les marchés extérieurs. Il devrait doper leurs bénéfices. 
 
Oui, je sais, les valorisations sont élevées. Cependant, si les résultats se confirment comme étant de qualité, elles ne devraient pas constituer un frein à la hausse. D’autant que les investisseurs achètent le rêve de la dérégulation et les cadeaux fiscaux du Trump deuxième mouture aux entreprises.
 
Les signaux mitigés de la macro 
 
Du côté de la macro, ce n’est pas tout à fait la même histoire. 
 
Oui, les chiffres du chômage sont au plus bas. Et le consommateur américain s’ingénie encore et toujours  à faire ce qu’il fait de mieux : consommer. Malheureusement, les chiffres de l’emploi ne sont que des indicateurs retardés.
 
Quant au consommateur américain, on est en droit de se demander si sa propension à dépenser sans compter ne va pas en prendre un petit coup dans les mois qui viennent.
 
La fin du moratoire sur les pré-étudiants, un choc de réalité différé

Le graphique que vous avez sous les yeux montre sans ambiguïté l’explosion des défauts de paiement sur les prêts étudiants fédéraux aux États-Unis. Pendant des années, cette donnée macroéconomique fut pétrifiée par le moratoire COVID concernant les remboursements des prêts étudiants.
 
Or, depuis la levée de ce dernier, le remboursement desdits prêts étudiants n’est plus une variable gelée, mais est redevenue une force en mouvement. Et pas n’importe laquelle. Plus de 1574 milliards de dollars de dettes sont en jeu. Mais ce qui fait peur ici n’est pas tant ce montant fort coquet que ce qu’il implique pour le comportement des ménages. 
 
On ne parle pas d’un paquet de chips en moins, on parle de consommation contrainte dans un pays où l’économie carbure à la carte de crédit. 
 
45 millions d’Américains sont concernés. Et parmi ceux-ci, 11 millions risquent de voir leur score de crédit se détériorer. Ce qui, dans une société où le crédit est la colonne vertébrale de la consommation, est tout sauf anodin. Perdre son score aux États-Unis, c’est comme lorsque dans un vieux film de Spielberg une jolie fille va faire trempette à minuit dans l’océan et croise un énorme squale avec une petite faim : ça finit rarement bien.
 
Du reste, si vous êtes un tantinet observateur, ce qu’en fidèle de Synapses et abonné à cette newsletter, vous êtes indubitablement, vous remarquerez que, concomitamment à cette flambée des taux de défaut sur les prêts étudiants, on observe une remontée des taux de défaut sur les crédits auto, les crédits hypothécaires, les cartes de crédit et tout le toutim.
 
En bourse, le plus généralement, ce n’est pas ce qu’on voit qui tue, c’est ce que l’on ne veut pas voir. Ou ce que l’on ne voit pas encore. C’est d’ailleurs ce qui inquiète la FED. Elle ne voit pas encore de remontée de l’inflation à un niveau inconfortable, mais elle la redoute. Et elle a quelques bonnes raisons pour cela. Les droits de douane tout comme l’assèchement de la main d’œuvre disponible du fait de la politique d’expulsion des illégaux ont ou auront des effets inflationnistes. De quelle ampleur ? C’est la question.
 
En tout cas, la banque centrale américaine ne devrait pas baisser ses taux en juillet et si le marché estime à quelque 60 % les chances qu’elle le fasse en septembre, sa décision est suspendue aux datas
 
Discipline, discipline, discipline
 
Dans un tel contexte, la discipline n’est surtout pas à jeter aux orties. Quels que soient les principes de gestion qui sont les vôtres, quelles que soient les règles de gestion et les principes de prudence que vous vous êtes fixés, n’en faites pas litière. 
 
De notre côté, le respect de la discipline se traduit de la manière suivante.
 
1. Faire preuve de discernement dans le stock picking en sélectionnant les entreprises les plus résilientes avec les meilleurs business models. Exactement ce que nous faisons dans les sélections Elite.
2. Le maintien d’un coussin important de cash. 
3. Éviter de renforcer les secteurs dont le momentum est négatif pour l’heure. Repérer au sein du portefeuille les titres avec les momentum positifs et les renforcer en priorité si l’occasion se présente. Sans oublier de prendre ses bénéfices au moins partiellement si le niveau de valorisation sont tendus ou que les prix ont bondi vite et fort. 
4. Ne pas oublier d’être patient, et travailler ses lignes toujours et encore. Il n’existe pas d’investissement passif.
5. Contrôler scrupuleusement le nombre de lignes et respecter le plafond que l’on a établi. Ce qui implique de passer à côté de certaines opportunités, ou alors d’arbitrer une ligne pour en constituer une autre.
 
Nous avons ainsi pris des bénéfices partiels sur Sixt, le loueur automobile ainsi que sur Aperam dont nous sommes complètement sortispour constituer une ligne de la Française des Jeux qui vient de redescendre à des cours attrayants (aux environs de 30 euros) et se négocie 10,5 x 2025 et 9,5 x 2026. Certes, les jeux n’ont pas bonne presse et les sociétés françaises ont contre elles une fiscalité adverse. Il faudra sans doute être patient, mais les 6,5 % de rendement du dividende devraient permettre d’être endurant.

Retour en haut