Amour et investissement : la recette parfaite pour perdre de l’argent

Amour et investissement - Synapses

S’il y a bien un sujet que nous n’avons pas encore abordé sur Synapses — non par manque d’idées, mais peut-être par pudeur — c’est celui de l’amour.
 
Et pourtant, amour et investissement ont plus en commun qu’il n’y paraît. Tous deux sont façonnés par l’émotion, l’engagement… mais aussi par nos biais. Parmi eux, le biais de dotation : cette tendance à accorder plus de valeur à ce que l’on possède, simplement parce qu’on le possède déjà.
 
C’est ce même attachement, souvent irrationnel, qui peut nous pousser à conserver une action coûte que coûte… ou à idéaliser une relation qui n’existe plus que dans notre tête. L’amour, en finance comme ailleurs, peut inspirer. Mais mal maîtrisé, il peut aussi faire perdre pied. Et c’est alors que la fatidique question que d’aucuns se sont déjà posée au moins une fois émerge :
 
À quel moment l’amour devient-il un attachement toxique ?
 
« Aimer, c’est la moitié de croire. » 
Victor Hugo
 
Et croire, c’est souvent le premier pas vers l’amour.
En finance aussi.
 
On investit dans ce qu’on connaît, dans ce qu’on admire… ou dans ce qu’on aimerait admirer. On croit en une entreprise, à son potentiel, à la vision d’un fondateur… Et c’est précisément là que le piège se referme : croire, trop vite, trop fort.
 
Quand l’attachement brouille le jugement
 
Imaginez : vous investissez dans une action prometteuse. Les résultats tardent à venir. Vous envisagez de rééquilibrer votre portefeuille. C’est une réaction saine. Mais en regardant vos premières lignes, vous hésitez néanmoins. Certaines entreprises, vous ne les avez pas choisies pour leur rendement, mais pour leur histoire, leur image, leur fondateur.
 
Arrivez-vous à les juger froidement ? Ou espérez-vous encore, secrètement, qu’elles « finiront bien par remonter » ? C’est lorsque ces questions surgissent que le biais de dotation se manifeste.
 
L’exemple de Tesla
 
Depuis plusieurs années, la marque et son dirigeant ont acquis une stature quasi mythique auprès de certains investisseurs. Ceux-ci achètent parfois moins une entreprise qu’un récit — voire une idéologie. Or, la valorisation d’un actif ne se construit pas sur une promesse civilisationnelle — celle de Musk qui veut déporter les Terriens sur Mars avant 2050, rien que ça.
 
Et dans les faits, le titre a connu des variations de prix extrêmes : entre 2021 et 2023, des baisses ponctuelles de l’ordre de 40 % à 70 % ont été observées, malgré une capitalisation toujours élevée. Récemment, sous l’administration Trump, l’entreprise a encore affronté des secousses majuscules. La politique douanière n’a pas laissé l’entreprise indemne, tandis que dans le même temps, des baisses importantes ont été enregistrées sur les ventes.
 
C’est un rappel brutal : aimer une entreprise ne la rend pas performante. Et croire en elle ne remplace pas une stratégie.

Parce qu’investir, ce n’est pas épouser un titre.
C’est le gérer.
 
Choisir un titre n’est que le début du voyage de l’investisseur. C’est dans la gestion active, le pilotage constant, que se crée la performance.
 
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L’amour rend aveugle : la preuve par les biais
 
Aimer ses actions, c’est risquer de mal les juger. Comme on reste dans une relation parce qu’on y a déjà trop investi, on garde un titre par attachement.
 
Quand l’action dévisse, on s’accroche à l’idée de ce qu’elle pourrait valoir de nouveau, plutôt que de constater la réalité. Ceci n’est pas qu’une simple métaphore : c’est un biais bien émotionnel, bien ancré.
 
Le biais de dotation : pourquoi nous surévaluons ce que nous possédons

En 1990, les économistes Kahneman, Knetsch et Thaler ont mené une expérience devenue célèbre.
Ils ont donné une tasse à une partie de leurs étudiants, puis ont demandé à chacun (ceux qui possédaient une tasse et ceux qui n’en avaient pas) d’indiquer à quel prix ils seraient prêts à l’acheter ou la vendre. Ainsi, les détenteurs exigeaient un prix presque deux fois plus élevé que ce que les autres étaient prêts à payer.
 
Nous valorisons davantage ce que nous possédons déjà, simplement parce que cela nous appartient.
Même quand rien ne le justifie objectivement.
 
Sur les marchés, ce biais pousse à :
 
surévaluer les titres en portefeuille. Une confusion se crée entre la valeur subjective et objective.
refuser de vendre, même quand les fondamentaux ne suivent plus. On mise, au pire, sur un retour à la moyenne.
 
Cas pratique : que feriez-vous ?
 
Vous achetez 100 actions à 100 €, soit un investissement de 10 000 €.
Le lendemain, un concurrent sort une innovation majeure. Le titre chute à 60 €, puis remonte à 72 € après un démenti rassurant. Que faire ?
 
Nombre d’investisseurs répondraient :

« Je conserve, elle vaut au moins 100 €. »
Mais ce chiffre n’a rien d’objectif. C’est un ancrage émotionnel : le souvenir de votre prix d’achat.
 
La seule vraie question est :
“Le prix actuel reflète-t-il la réalité de l’entreprise ?”
 
Et non :
« Combien cela m’a coûté ? »
 
La discipline surpasse toujours l’instinct et l’affect

Les stratégies exemptes d’émotion, actives ou automatisées, indicielles, répliquées ou déléguées, tendent à produire de meilleurs résultats à long terme.
 
Pourquoi ?
 
Parce que les algorithmes n’aiment pas.
Parce que les outils ne ressentent pas.
Ils n’espèrent pas.
Ils n’ont pas peur de vendre ou d’acheter.
Ils agissent avec stratégie.
Ils exécutent leur plan.
 
« Mieux vaut un idiot avec un plan qu’un génie sans plan. »
Warren Buffett
 
Chez Synapses, nous ne cherchons pas des actions à aimer. Nous cherchons des actions à comprendre, à piloter, à faire travailler. Alors, n’aimez pas vos titres. Analysez-les.
 

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