Donald Trump et le TACO sauce BBB

Donald Trump TACO sauce BBB - Synapses

Vous aimez les tacos ? Je ne suis pas particulièrement fan, mais je ne déteste pas non plus. C’est tant mieux, car depuis le 9 avril le TACO fait fureur en bourse, et à l’instar de tous les plats que l’on consomme trop régulièrement, il perd au fur et à mesure de son effet de surprise et subséquemment de sa saveur. Néanmoins, il a le mérite d’être rassurant… parce qu’avec lui on sait toujours à quoi s’attendre et on est rarement déçu.

C’est un peu ce qui se passe avec Donald Trump. Le marché a compris. Oh, certes, ce ne fut pas immédiat, il lui a fallu quelques semaines pour y parvenir, mais au bout du compte  il a compris. Et qu’a-t-il compris ? Il a compris que Trump Always Chickens Out (TACO), c’est-à-dire en Français dans le texte, dans une traduction savante qui restitue le goût et l’idée de ce mets singulier, Trump Finit Toujours par Se Dégonfler, ou, pour rester fidèle à l’acronyme originel et être moins littéral “Trump A les Chocottes Obligatoirement” ou encore ” Trump Abandonne à Chaque Occasion”.
 
Vous voyez l’idée ? C’est celle d’un Trump qui bombe le torse, se frappe à grands coups de poings dans les pectoraux en braillant “vous allez voir ce que vous allez voir” et qui quand il prend la mesure de l’ire des marchés financiers s’en repart la queue entre les jambes, ce que le marché célèbre aussitôt par des rebonds, qui s’avèrent de moins de moins vigoureux à mesure que sa peur de voir Mr Donald camper sur ses positions fond comme neige au soleil. C’est ce que d’aucuns ont astucieusement nommé le TACO Trade.

On l’a encore vu ce lundi 2 juin où le marché a à peine bronché après l’annonce du nouveau coup de sang douanier du pensionnaire de la Maison blanche (doublement des droits de douane sur l’acier de 25 à 50 %, la veille du week-end). Le S&P 500 après une incursion dans le rouge a clôturé en progression de 0,41 % tandis qu’en Europe le STOXX 600 s’érodait tout juste de 0,14 %. 
 
BBB = BIG BAD BOOM = BIG BOND BLOW-UP = BIM BAM BOUM !

À n’en pas douter, la guerre commerciale continuera à créer de l’agitation mais nous le répétons, nous ne pensons pas qu’elle soit le facteur pouvant provoquer à court terme un mouvement de panique sur les marchés qui nous vaille d’explorer les plus bas d’avril. Sauf si les tensions entre la Chine et les Etats-Unis reprenaient en mode crêpage de chignon à haute intensité. Mais notre petit doigt nous dit, que passé certains débordements verbaux, l’Amérique ira à Canossa (D’ailleurs, j’ai bien envie de faire une émission sur le sujet).
 
Non, ce qui peut vraiment faire bouger les marchés, nous en avons déjà abondamment parlé, est bien sûr le BBB, le Big Beautiful Bill, qui en faisant exploser l’altimètre de la dette U.S., risque de se métamorphoser en Big Bad Boom, Big Bond Blow-up ou tout simplement en Bim Bam Boum !
 
Dans un contexte de crise de confiance majuscule à l’égard des Etats-Unis sur tous les fronts (diplomatique, commercial et financier), le déficit budgétaire bientôt porté à 7 % – c’est réglé comme du papier à musique –  en raison de recettes moindres qu’attendu et de dépenses toujours plus hautes qu’espéré n’est pas la meilleure façon de calmer les inquiétudes des marchés obligataires et de restaurer la confiance des investisseurs, notamment de celle de ces bougres d’étrangers qui financent le déficit américain. 
 
Nous avons évoqué la semaine passée, l’ignominieux article 899 du BBB et nous y revenons cette semaine. 
 
Pour rappel, l’article 899, proposé dans le cadre du projet de loi « Defending American Jobs and Investment Act » (HR 591) et inclus dans le paquet fiscal de la commission des voies et moyens de la Chambre des représentants intitulé « The Big, Beautiful Bill », prévoit des mesures fiscales de représailles contre certains pays étrangers. Il vise en particulier ceux qui imposent des taxes considérées comme discriminatoires ou extraterritoriales — comme les taxes sur les services numériques ou les règles sur les bénéfices jugés insuffisamment taxés — et qui toucheraient de manière excessive les contribuables américains.
 
La disposition cible les personnes de ces pays (gouvernements, entreprises, particuliers ou autres entités) en relevant leur impôt fédéral sur le revenu ou les taux de retenue à la source aux États-Unis, ce qui peut se traduire par jusqu’à 20 points de pourcentage supplémentaires.
 
Certains ont émis l’hypothèse que les intérêts provenant des bons du Trésor U.S. seraient exclus des revenus visés. On les comprend. Faire fuire les bailleurs de fonds internationaux à un moment où leur concours est plus que jamais requis équivaudrait à l’un des suicides financiers les plus débiles de l’histoire, et chacun se dit que ce serait trop gros pour être vrai.
 
Il n’empêche, à cette heure, aucune précision quant à l’exclusion des revenus générés via la dette fédérale n’existe. Comme tant d’autres, je ne veux pas croire au pire. Je suis en revanche loin d’être convaincu que l’administration Trump ne tentera pas d’agiter l’article 899 pour mettre à genoux certains de ses partenaires commerciaux dans les négociations âpres qui se profilent. Une poussée de fièvre sur le marché obligataire n’est pas à exclure… ce qui aboutirait, pour dire les choses délicatement, à un beau décrochage des actions. Bien évidemment avant que le TACO ne prévale. La question est bien sûr celle des dégâts causés dans l’intervalle.
 
💵 La dette, toujours la dette !
 
Tout le monde a en tête le graphique ci-dessous.

Que l’État fédéral rudoie ses principaux créanciers tandis que sa dette atteint 120 % du PIB relève d’une légère déconnexion avec la réalité. Je ne sais pas si l’extorsion à grande échelle qu’a conceptualisée Stephen Miran, l’une des éminences grises de la nouvelle administration, et que semble vouloir appliquer Donald Trump, portera ses fruits. 
 
Une chose est certaine en revanche, la défiance à l’égard du débiteur fédéral est exacerbée. Preuve en est, le spread, c’est-à-dire l’écart de rémunération entre les obligations à 30 émises par Microsoft et les bons du Trésor à 30 ans se trouve au plus bas historique. Autrement dit, l’actif réputé le plus sûr au monde qu’est jusqu’à ce jour la dette souveraine américaine l’est de moins en moins (sûr) puisque la prime de risque que l’on exige pour y investir se rapproche de celle d’une entreprise comme Microsoft.

Je ne veux pas donner l’impression de prophétiser une catastrophe. Je le redis, je pense que l’article 899 est avant tout une arme de négociation commerciale, mais dans un tel environnement, la manipuler peut se révéler particulièrement dangereux et nous valoir quelques gros, gros, gros frissons.
 
📈 Actions, trop chères ?
 
Surtout que les marchés américains se situent à des niveaux de valorisation qui ne souffrent pas beaucoup les déceptions. Après leur redressement spectaculaire des dernières semaines, le Nasdaq arbore un PER de 26, le Russell 2000 de 23 et le S&P 500 de 21. 

En Europe, selon les données d’AlphaValue, le PER s’établit à 15,7 x 2025 et 14,2 x 2026, mais une fois les bancaires, les pétrolières et les minières exclues, il est respectivement de 18,3 x 2025 et 16,3 x 2026…. 
 
Les actions européennes ne sont pas si bon marché que cela. Elles sont donc susceptibles de tanguer si l’incertitude actuelle, en donnant un coup de frein prononcé aux investissements et initiatives de développement, vient comprimer les bénéfices. La révision des croissances bénéficiaires par les analystes ne fait sans doute que commencer. 
 
Dans un tel contexte, je reste d’avis que la meilleure stratégie est de faire le tri parmi les sociétés au regard de la solidité de leur modèle économique, car la qualité des entreprises finit tôt ou tard par se refléter dans les valorisations. Cela tombe bien, les sélections Élite bâties avec AlphaValue reposent sur ce principe, un principe dont l’histoire a jusqu’ici démontré la validité.– cf. Liste Buy & Hold d’AlphaValue qui affiche depuis création en septembre 2014 une surperformance de +115 % sur le STOXX 600.
 
Le portefeuille Synapses arbore toujours un niveau de cash coquet de près de 20 %, symptomatique de notre prudence. Prudence qui ne confine pas à la pusillanimité puisque nous étions à 26 % de cash le 5 mai. Dans un souci de contrôle du risque, nous restons avec un nombre de lignes mesuré (34 à date, ce qui est déjà bien suffisant, car il faut savoir choisir ses batailles, vous vous souvenez ?).  
 
La pharmacie demeure une terre d’élection pour votre serviteur, qui croit toujours en NOVO NORDISK, cela dit en passant. 
 
Nous sommes plutôt dans une stratégie d’achat des creux et de revente rapide des sous-lignes acquises dès qu’elles affichent des plus-values, car nous voulons conserver un niveau de cash replet. Pour résumer, nous sommes dans un marché de trading. Aussi la prudence ne doit-elle pas rimer avec la passivité, il faut savoir travailler ses lignes. Pour un particulier qui comme moi n’a pas les yeux rivés à son écran, cela implique de penser à laisser traîner des ordres de revente, pour capter rapidement ses gains.
 
Le marché nous rappelle constamment à l’humilité. Et l’une des meilleures façons de rester efficace est, dans l’incertitude, ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. 
 
Je vous laisserai donc sur une de mes citations boursières préférées, cette réponse empreinte de grande sagesse de James de Rotschild à qui l’on demandait comment il avait fait fortune : le bonhomme confessa “en vendant toujours trop tôt”.
 
C’est tout le malheur que je vous souhaite. Empocher des gains en vendant trop tôt.

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