Pourquoi préférer perdre à l’EuroMillions plutôt que de gagner en Bourse ? (Paradoxe de la région Bêta)

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La Bourse n’est ni une loterie comme l’EuroMillions, ni un jeu d’argent mathématique comme le poker. Elle repose sur des bases tangibles : entreprises, États, institutions et investisseurs interconnectés.
 
Pourtant, les investisseurs adoptent parfois des comportements similaires à ceux des joueurs. Non pas par quête de gains rapides, mais sous l’influence de biais cognitifs profonds, révélateurs de notre difficulté à rester rationnels face au stress. L’argent, sujet aussi tabou qu’intime, suffit souvent à faire vaciller notre raison.
 
Le paradoxe de la région Bêta en est une illustration frappante, à la croisée des mondes du jeu et de l’investissement.

💡 Cas concret : investir 1 000 €

Si vous deviez investir vos premiers 1 000 €, quelle option choisiriez-vous ?
 
🎰 EuroMillions
🖼️ Objets de collection
📈 Marché actions
 
Une analyse rationnelle suggérerait :
 
❌ Écarter l’EuroMillions, dont l’espérance de gain est proche de zéro (1 chance sur 139 millions environ).
 Éviter les objets de collection, à moins d’être expert ou bien accompagné, en raison du manque de liquidité et bien souvent en l’absence de prix de marché.
✅ Opter pour le marché actions, qui présente historiquement le meilleur rapport risque / rendement / transparence.

📋 Alors pourquoi la très grande majorité d’entre nous choisira malgré tout la mauvaise option, à savoir l’EuroMillion ?
 
C’est ici que le paradoxe de la région Bêta entre en scène. Énoncé par Dan Gilbert (psychologue à Harvard), il décrit notre étrange capacité à tolérer de petites douleurs répétées… mais pas un choc violent, même ponctuel.

Autrement dit, perdre chaque semaine 2,5€ en jouant à l’EuroMillions ne fait pas mal. Et on le sait: jouer procure un petit plaisir, justement parce que c’est un jeu d’argent.

Mais perdre seulement 8 % en Bourse – ce qui peut représenter moins de 2€ de perte sur certains titres – c’est un drame.

Alors même, qu’objectivement, la seconde situation présente bien plus de chances d’être redressée, voire transformée en gain durable.
 
📊 Paradoxe de la région-Bêta : une réalité contre-intuitive, mais chiffrée
 
Chaque semaine, environ 50 millions de grilles sont jouées à l’EuroMillions en Europe.
 
Lors du jackpot de 230 millions d’euros en mars 2025, plus de   des Français ayant tenté leur chance étaient des joueurs occasionnels, séduits uniquement par la perspective du gain optimal et immédiat.
 
Et pourtant, des millions de Français déclarent, d’après l’AMF, refuser d’investir en Bourse par “peur du risque”. Ils rejettent ainsi une classe d’actifs historiquement rentable – les actions – pour se tourner vers un divertissement mathématiquement perdant.
 
Car oui, pour rappel, l’espérance de gain mathématique des jeux d’argent, comme l’EuroMillions, est toujours strictement inférieure au prix de la grille. Et de loin. Sans quoi, les entreprises proposant ces jeux ne seraient tout simplement pas rentables. Or, en 2024, la FDJ, qui est une société cotée, a affiché un résultat net d’environ 400 millions d’euros.
 
Pour l’EuroMillions, l’espérance de gain est comprise entre –0,60€ et -1,90€ en moyenne, car cela varie en fonction du jackpot proposé.

Pour ceux qui nous lisent et qui participeront au tirage de ce mardi 20 mai, dont la cagnotte est évaluée à 167 000 000 €, votre espérance de gain est estimée à -0,785€. Tous les joueurs sont-ils idiots pour autant ? Bien sûr que non ! Ce n’est pas de la stupidité. C’est de la psychologie comportementale.
 
🧠 Quand l’émotion et la mémoire trahissent notre logique
 
Ce biais du paradoxe de la région-Bêta nous montre que notre mémoire émotionnelle – ce que nous ressentons face à une perte – est parfois plus déterminante que la perte elle-même. De même que le plaisir ou la douleur associée compte pour l’essentiel de notre prise de décision future.
 
Un joueur régulier perdra sur 40 ans plusieurs milliers d’euros en grilles EuroMillions. Mais il lui suffira d’une seule mauvaise année sur le CAC 40 pour fuir définitivement les marchés. Pourquoi ? Parce qu’une perte nette et visible déclenche une douleur vive. Alors que des pertes continues, mais faibles, passent inaperçues. C’est comme avec l’inflation !
 
En France, sur les 30 dernières années, tous les compteurs de prix ont flambé. Pourtant, les phénomènes de contestation et de réclamation n’ont eu lieu qu’en des occasions exceptionnelles : gilets jaunes, guerre en Ukraine, etc… 

Au quotidien, l’inflation est presque indolore. Mais lorsqu’elle arrive de manière soudaine, elle ne passe pas.
 
🎯 L’enseignement à tirer (et comment en faire un levier d’action)
 
Le paradoxe de la région Bêta nous rappelle que notre rapport à l’argent est moins logique que nous l’imaginons.
 
C’est précisément pour cela qu’investir avec méthode, piloté par des principes, et non par des émotions, est si crucial.
 
👉 Le marché n’a que faire de votre ressenti.
👉Il ne réagit ni à vos peurs, ni à vos espoirs. Et encore moins à vos frustrations.
👉Il obéit à des dynamiques qu’il faut apprendre à comprendre et à accompagner.
 
Dompter ce biais peut nous aider à prendre des décisions financières plus éclairées, et qui sait, à remplacer ses grilles à 2,5 chaque semaine par des versements programmés chez un courtier en ligne ? 
 
Je gage qu’en fin d’année, l’espérance de gain sera… bien meilleure ☺️

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