Sanofi : un tournant stratégique ?

Sanofi, fleuron pharmaceutique français, traverse une période de mutation stratégique. Face à une concurrence féroce et des pressions politiques, essentiellement américaines, l’entreprise ne cherche plus seulement à défendre ses positions historiques. Elle se transforme en profondeur : recentrage sur la R&D interne, renforcement de ses positions dans les maladies rares et l’immunologie, cessions d’actifs non stratégiques, et acquisition ciblée de biotechs innovantes. 
 
Cette nouvelle orientation vise à bâtir une croissance plus résiliente et durable, tout en réduisant la dépendance aux brevets arrivant à expiration. Une transformation ambitieuse, risquée, mais peut-être salutaire.

Faisons le point ensemble.

Forces

Dupixent (nom commercial du dupilumab) :
Médicament phare de Sanofi, représentant environ 32 % de son chiffre d’affaires (13 Mds € en 2024). Il a récemment obtenu une autorisation pour traiter la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), élargissant son potentiel de ventes à un pic estimé à 20 Mds €.

Franchise Vaccins solide :
Robuste et récurrente, elle représente ~20 % des ventes (8,3 Mds € en 2024), avec un taux de croissance annuel moyen de 7 % sur la période 2017–2024

Pipeline produit diversifié et robuste :
Plusieurs lancements récents à succès (par exemple Altuviiio – traitement de l’hémophilie, et Fitusiran – conçu pour diminuer le taux d’antithrombine, une protéine qui inhibe la coagulation du sang). Ensemble, ces nouveaux traitements ont généré 2,8 Mds € en 2024 (+71 % à taux de change constant).

Santé financière solide :
Ratio dette nette sur EBITDA à 1,7x en 2024. La vente de 52 % d’Opella (branche santé grand public) a généré 10 Mds € de liquidités. Une partie a été utilisée pour des rachats d’actions (5 Mds €).

Dividendes élevés et stables :
Rendement prévu d’environ 5 % par an entre 2025 et 2027, soutenu par une génération de cash élevée (FCF : Free Cash Flow) estimée à ~7 %.

Faiblesses

Dépendance critique à Dupixent :
Un seul produit pèse un tiers du chiffre d’affaires. Son brevet expire début 2031, ce qui posera un risque majeur sans relais de croissance suffisant.

Résultats mitigés ou négatifs en R&D :
Échec partiel de tolebrutinib (traitement oral de la sclérose en plaques) en phase III.
Revers pour le vaccin contre E. coli (bactérie responsable d’infections intestinales et urinaires).
Résultats contrastés pour itepekimab (BPCO liée au tabagisme)

Forte dépendance à l’innovation externe :
Le goodwill (valeur incorporelle de l’entreprise, comme les brevets en autre), représente 56 % des capitaux propres contre 14 % pour Novo Nordisk et 25 % pour Roche. Cela reflète une croissance historiquement tirée par les acquisitions plutôt que par la R&D interne.

Performance boursière faible :
-18,1 % sur 3 mois glissants, -7,48 % depuis le début de l’année 2025.

Opportunités

Croissance du marché de l’immunologie :
Secteur estimé à plus de 150 Mds $ à l’échelle mondiale (source : IQVIA), deuxième domaine thérapeutique après l’oncologie. Sanofi y investit massivement.

Acquisition stratégique de Blueprint Medicines (9,5 Mds $) :
Renforce les positions de Sanofi dans les maladies rares et les thérapies ciblées en immunologie.

Effet d’entraînement des nouveaux traitements :
Les médicaments récemment lancés devraient générer plus de 10 Mds € de chiffre d’affaires à horizon 2030, atténuant l’impact de la perte d’exclusivité de Dupixent.

Hausse des investissements en R&D :
Intensité R&D projetée à ~18 % du chiffre d’affaires (vs. 15 % historique), pour se rapprocher des standards de leaders tels que Roche, GSK ou AstraZeneca.

Menaces

Instabilité géopolitique et réglementaire aux États-Unis :
Menaces tarifaires sur les médicaments.
Nomination de Robert F. Kennedy Jr., personnalité connue pour son scepticisme vaccinal, à la tête du département de la santé.
Pression potentielle de Donald Trump, qui milite pour une baisse autoritaire des prix des médicaments.

Concurrence accrue :
Roche, par exemple, détient Hemlibra (référence dans l’hémophilie), concurrent direct d’Altuviiio.

Poids stratégique du marché américain :
~40 % des revenus de Sanofi viennent des États-Unis, ce qui accroît la vulnérabilité aux décisions politiques locales.

Pressions sociétales et environnementales :
Sanofi a fait le choix de ne pas investir dans le segment en pleine expansion de l’obésité (où Novo Nordisk et Eli Lilly dominent), ce qui peut être perçu comme un manque de réactivité stratégique.

Sanofi évolue à un moment charnière de son histoire, entre résilience opérationnelle et volonté de réinvention. Malgré une dépendance marquée à Dupixent et quelques revers en R&D, le groupe dispose d’atouts tangibles : une structure financière robuste, une dynamique de croissance dans l’immunologie, et un pipeline en cours de régénération. Son recentrage assumé sur les maladies rares et les approches internes d’innovation suggère une stratégie de fond, pensée pour affronter les échéances post-2030.
 
Dans un environnement mondial instable — tant sur le plan géopolitique que réglementaire —, Sanofi choisit l’investissement de long terme plutôt que l’opportunisme conjoncturel. Ce positionnement, encore en phase de consolidation, soulève des interrogations légitimes… mais aussi des perspectives qu’il serait regrettable d’ignorer. Un dossier complexe, exigeant, mais porteur d’une ambition stratégique qui mérite d’être suivi avec attention. Nous sommes chez Synapses favorable au titre. En dépit des contrariétés des derniers mois, et du momentum négatif, Sanofi arrive sur des niveaux de valorisation qui nous paraissent attrayants. 

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