
Depuis près de deux siècles, Legal & General incarne la solidité du capitalisme britannique dans le secteur de la retraite, de l’assurance et de la gestion d’actifs. Mais face à une industrie en mutation rapide et à des enjeux structurels croissants, L&G a engagé un repositionnement stratégique sous l’impulsion de son nouveau CEO, António Simões, entré en fonction début 2024. Exit les ambitions tentaculaires : le recentrage s’opère autour de trois piliers – Institutional Retirement (retraite pour clients institutionnels), Retail (particuliers), et Asset Management (gestion d’actifs) – avec une volonté claire d’assainissement, de simplification et de remobilisation du capital au service de l’actionnaire.
Pourtant, derrière des dividendes attractifs et des annonces percutantes, les défis abondent : concurrence accrue, volatilité des marchés, tensions géopolitiques et attentes sociétales de plus en plus exigeantes.
Regardons cela de plus près.
Rendement du dividende exceptionnel (8,5 %) et politique affirmée de retour aux actionnaires (buybacks de £200m en 2024 + £500m confirmés pour FY25)
Capacité stratégique clairement définie sous Simões avec des objectifs ambitieux (ROE (Rendement des fonds propres) > 20 %, croissance EPS (Bénéfice par action) de 6–9 % CAGR (taux de croissance annuel composé) sur 2024–2027).
Leader du marché du PRT (Pension Risk Transfer) au Royaume-Uni, avec un potentiel de marché estimé à £1 trillion et une part de marché en progression
Synergies entre divisions grâce à la fusion de LGIM et L&G Capital, orientant la gestion d’actifs vers des revenus plus récurrents
Valorisation attractive comparée au marché UK, renforcée par une dynamique positive YTD (+18,2 %)
Croissance lente du bénéfice opérationnel :
seulement +2,8 % entre 2022 et 2024.
Sous-performance par rapport aux pairs du secteur depuis plusieurs années.
Sensibilité aux taux et au marché immobilier :
une baisse de 100 bps des taux sans risque réduit le ratio Solvency II de 14pts ; -15 % sur l’immobilier = -10pts.
Dépendance à des volumes volatils dans le PRT et pression concurrentielle accrue (ex : M&G, Brookfield).
Risque actuariel élevé :
une hausse de 1 % de la mortalité réduit le résultat net de £74m.
Élargissement structurel du PRT (UK : de 16 % à 50 %, US : de 11 % à 30 % sur 10 ans).
Croissance ciblée dans les Private Markets avec ambition de faire passer l’AUM de £57bn à £85bn d’ici 2028.
Partenariat stratégique avec la compagnie d’assurance japonaise Meiji Yasuda Life Insurance Company, impliquant la cession de 20 % des activités US PRT et l’intégration de la logique asiatique au groupe.
Recyclage du capital par cessions d’actifs non stratégiques (ex : CALA Homes pour £1,35bn).
Sensibilité accrue du marché aux investissements socialement responsables, un levier possible dans la gestion d’actifs.
Concurrence accrue dans le PRT et l’Asset Management, avec des marges sous pression.
Environnement géopolitique incertain (instabilité UK post-électorale, tensions Chine/US, régulations ESG).
Risques climatiques et écologiques :
impact potentiel sur portefeuilles immobiliers et réputation si stratégie ESG peu crédible.
Pressions réglementaires (Solvabilité II, durcissement des exigences de transparence).
Mutation technologique rapide qui pourrait défavoriser les structures traditionnelles mal agiles.
Legal & General opère une mue stratégique audacieuse sous la direction d’António Simões, misant sur le recentrage de ses activités, la discipline capitalistique et des relais de croissance prometteurs comme le PRT ou les private markets. Cette dynamique offre un potentiel de revalorisation, d’autant plus que la politique de redistribution reste l’une des plus attractives du secteur.
Mais l’atterrissage reste incertain : croissance lente, forte cyclicité du PRT, pressions concurrentielles et exposition aux risques actuariels et de marché pèsent encore sur le profil risque-rendement. Pour l’investisseur, la valeur peut séduire par son rendement et ses relais structurels, mais elle impose une vigilance constante sur sa capacité à livrer opérationnellement dans un contexte macroéconomique et sociétal mouvant. La sensibilité aux taux ne nous incite pas à rentrer le titre en portefeuille, en dépit d’une politique actionnariale séduisante. Nous attendrons un repli assez significatif pour considérer cette option.