Innovation et investissement : le juste timing avec le cycle de la hype de Gartner

Acheter au plus bas et vendre au plus haut, ça a toujours été le rêve de tout investisseur. Et aujourd’hui plus que jamais car les opportunités d’investissement en matières de technologie  ne manquent pas : armement 3.0, biotechnologies, ordinateur quantique, intelligence artificielle, cryptomonnaies,  nouvelles sources d’énergie.…

Beaucoup scrutent les start-ups de ces différents domaines dans l’espoir d’y placer un billet et de voir leur mise exploser avec la valorisation future de ces entreprises.

Mais cette stratégie n’est pas toujours la plus efficace. Et voici pourquoi.

Le graphique ci-dessous est ce qu’on appelle le cycle de la hype de Gartner, en référence au cabinet américain qui a fait des recherches sur le sujet. Mais il porte un autre nom : le cycle de la hype, ou du battage médiatique en français. Schématiquement, il représente la courbe de maturité d’une innovation entre son apparition dans nos vies et le moment où elle atteint un plateau compris entre 90% et 100%.

Le cycle de la hype se décompose en 5 grandes étapes :

Le déclencheur d’innovation : une nouvelle technologie émerge, suscitant excitation et spéculations.

Le pic des attentes exagérées : l’emballement médiatique entraîne des promesses parfois irréalistes.

Le gouffre des désillusions : la technologie fait face aux premiers échecs, et beaucoup abandonnent.

La pente de l’illumination : les cas d’usage viables émergent, et les entreprises solides résistent.

Le plateau de productivité : l’innovation devient un standard, générant des retours sur investissement plus stables.

Pour vous donner une idée, l’électricité a mis presque 100 ans, à l’échelle européenne, à atteindre environ 80% de taux de pénétration dans les foyers. Cela n’est pas évident à concevoir aujourd’hui, car cette technologie nous apparaît comme admise de longue date. Mais tel ne fut pas toujours le cas.

Cette constatation est commune à l’ensemble des technologies ayant vu le jour. Leur adoption ne décrit pas immédiatement une belle courbe exponentielle, ni une fonction linéaire et constante, mais plutôt une sorte de cycle psychologique qui oscille en la conviction et la désillusion.

Et c’est bien ce point précis qui doit nous servir de guide pour investir dans la tech. Il convient d’identifier à quelle phase de développement nous en sommes, car selon celle-ci, la nature de votre risque tout comme votre espérance de gains sont clairement différents, au point de vous faire douter de la pertinence d’un tel choix d’allocation de votre capital.

L’exemple d’Apple

Introduite en bourse en 1980 à 22 dollars par action, la jeune entreprise âgée de seulement quatre ans à l’époque ne comptait que sur l’Apple II, un ordinateur révolutionnaire pour l’époque, pour assurer sa croissance.

Pendant les 20 années suivantes, Apple a généré un rendement annualisé de 7,2 % par an. Un rendement en ligne avec des attentes raisonnables, correspondant à environ 8 % de rendement annuel, délivré par le S&P 500 par exemple. Mais, il y a tout de même une différence de taille : la volatilité.

Apple a traversé de fortes secousses, parfois même très longues et très éprouvantes pour le mental de ses investisseurs. Entre 1987 et 1997, l’action a chuté d’environ 80 %, entre son plus-haut et son plus-bas. Une baisse d’une intensité violente, absolument incomparable avec celles qu’ont pu connaître le S&P 500 ou le NASDAQ 100 sur la même période. Pour rappel, cette période de doute sur le titre Apple est concomitante avec l’absence de Steve Jobs, l’iconique PDG, qui avait été évincé en 1985.

Par la suite, la bulle internet apporta un nouveau souffle à l’action. Au pic de la bulle internet, en 2000, l’action se négociait autour de 1,25 $, soit presque 10 fois plus que le cours de clôture du premier jour de cotation en 1980. Avec une performance d’un tel multiple, on peut se laisser convaincre qu’investir très tôt dans la technologie peut être une bonne opération, à condition d’accepter une forte volatilité.

Cependant, ce premier pic sur 20 ans ne fait que s’inscrire dans le grand schéma de l’innovation décrit par Gartner. Deux étapes ont alors été franchies : le déclencheur de l’innovation (l’arrivée d’Apple dans nos vies) et le pic des attentes exagérées, qui précède inévitablement la phase de désillusion et de doutes.

Investir sur Apple en 1980, c’était emprunter l’autoroute des sensations fortes, avec des plus hauts prévisibles reposant sur le caractère innovant de la technologie apportée par la compagnie américaine. L’action a doublé en deux ans, puis a à nouveau doublé en deux ans avant d’entamer sa longue baisse.

Existait-il donc un meilleur moment pour investir sur Apple plutôt que dès ses débuts et en conservant son action pendant au moins 20 ans ?

La réponse est clairement oui, et les chiffres le prouvent sans équivoque. De 2001 à juillet 2024, l’action Apple a grimpé de 61.891 %, soit un rendement annualisé de 33,20 %. Ce chiffre est près de six fois supérieur au rendement annualisé de la période 1980-2000. La différence est frappante, et elle s’explique par un facteur clé : le risque.

Investir au début d’un projet, c’est prendre le maximum de risques : l’entreprise est jeune, le marché n’est pas mature, l’équipe dirigeante n’a pas encore fait ses preuves, la concurrence est déjà là, et les ambitions peuvent sembler irréalistes.

Cela se traduit par une volatilité importante, découlant d’une surréaction à la moindre bonne ou mauvaise nouvelle. Le départ de Steve Jobs en est un bon exemple.

À l’inverse, la période 2001-2024, pourtant marquée par l’éclatement de la bulle internet en 2002, n’a pas connu autant de chutes violentes.

En tant qu’investisseur, miser sur les nouvelles technologies est une évidence. Toutefois, il est tout aussi essentiel de choisir avec soin son point d’entrée afin d’optimiser ses chances de succès, de limiter la volatilité et d’investir en toute sérénité.

Le danger ? Se précipiter trop tôt, porté par l’euphorie, c’est prendre le risque de voir une start-up ne jamais décoller. À l’inverse, attendre trop longtemps, c’est passer à côté des phases de croissance les plus dynamiques.

Investir dès les premiers pas d’une entreprise relève davantage d’un pari que d’une véritable stratégie d’investissement. Patienter jusqu’à ce que la technologie gagne en maturité permet d’avoir une vision plus claire et maîtrisée.

Avant de vous lancer tête baissée sur la prochaine « pépite », prenez le temps de bien évaluer si c’est le bon moment !

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