
Pour celles et ceux qui ne connaissent par encore GTT, il s’agit d’une entreprise française qui conçoit des systèmes de confinement à membranes destinés à l’industrie du GNL (Gaz Naturel Liquéfié).
Son modèle économique repose sur la vente de licences technologiques : l’entreprise ne construit pas de navires, mais fournit son savoir-faire aux chantiers navals et perçoit des redevances proportionnelles à la surface des membranes installées. Ce modèle capitalistique relativement léger lui confère une marge brute de près de 96 % et une marge d’EBITDA supérieure à 60 %. GTT jouit donc d’une rentabilité très appréciable.
Pour autant, le contexte mondial actuel, fortement corrélé au rythme des décisions de Donald Trump, laisse GTT dans le même flou que la plupart des entreprises à rayonnement international. Entre promesse de tarifs douaniers prohibitifs et pause de 90 jours, les sociétés ne savent plus très bien sur quel pied danser et dans quelle proportion leur business s’en trouvera affecté.
Bien que le président américain ait souligné sa volonté de faire du pétrole et du gaz un axe privilégié pour les USA avec son “Drill, baby, drill!” avec l’annonce de la levée du moratoire sur les nouveaux projets de GNL, initié sous l’administration Biden – qui devrait donc permettre un nouveau cycle d’investissement dans des unités de liquéfaction à partir de 2025 – il reste très difficile à ce stade très précoce de l’exécution de la stratégie de Donald Trump de déterminer quelles activités seront épargnées, lesquelles en profiteront, et lesquelles devront se montrer patientes.
Alors pourquoi choisir GTT pour ce SWOT ? Qu’est-ce qui peut rendre un investisseur relativement optimiste sur ce dossier ?
Intéressons-nous aux chiffres passés et aux perspectives.
Absence de dette
343 M€ de trésorerie nette fin 2024, avec un capex minimal (investissement de l’entreprise) et marges extrêmement élevées.
Technologie propriétaire dominante sur le marché
Position incontournable sur le marché du GNL : installations sur quasiment tous les nouveaux méthaniers.
Carnet de commandes sécurisé : visibilité assurée jusqu’en 2027, avec une prédominance des chantiers sud-coréens (76 % des revenus 2023).
Dividendes généreux et politique actionnariale attractive.
Dépendance à un nombre limité de clients (chantiers navals, principalement en Corée et Chine).
Concentration extrême des revenus sur les membranes GNL, exposant l’entreprise à des cycles de commandes. Plus de 90 % du chiffre d’affaires provient des systèmes Mark III et NO96.
Sensibilité aux dynamiques géopolitiques bien que le modèle paraisse “isolé”.
Momentum boursier défavorable en 2025 (-5,99 % du 1e janvier au 15 avril 2025, -6,29 % sur 1 mois glissant), indiquant une prudence des investisseurs.
Réorientation des flux de GNL vers l’Europe en raison des tensions sino-américaines : augmentation de la demande en navires longue distance.
Adoption croissante du GNL comme carburant marin favorisée par les politiques de transition énergétique.
Consolidation de la position sud-coréenne : les chantiers sud-coréens restent hors de la guerre commerciale actuelle.
Croissance à long terme du marché du GNL alimentée par les besoins énergétiques européens et asiatiques.
Conflit commercial États-Unis/Chine : l’administration Trump agite l’épouvantail de droits d’accès aux ports américains allant jusqu’à 1,5 million de dollars par escale et qui frapperaient les compagnies exploitant des navires fabriqués en Chine.
Ralentissement du cycle des commandes de méthaniers chinois : plus de 80 navires prévus pourraient être reportés ou annulés.
Risque de contraction du carnet de commandes post-2027 : une baisse de 10–15 % des commandes pourrait entraîner un manque à gagner de 40 à 60 M€ par an à partir de 2027.
Incertitudes politiques en Europe et aux États-Unis : menace de nouveaux droits de douane sur les exportations européennes vers les USA (jusqu’à 30 %), pouvant impacter les décisions d’investissement.
Investissements de plus en plus dépendants de la stabilité géopolitique, freinant les initiatives.
GTT reste une société fondamentalement saine et à la rentabilité rare dans le secteur industriel européen. Toutefois, son avenir dépendra de la capacité du marché du GNL à s’adapter à un monde fragmenté, dans lequel les flux énergétiques deviendront peut-être davantage politiques qu’économiques.
Nous en avons eu un avant-goût en 2022 lorsque la guerre en Ukraine a éclaté. Les bouleversements dans les flux énergétiques mondiaux — déclenchés par la guerre en Ukraine et l’urgence européenne de diversifier les sources d’approvisionnement — ont profondément redessiné les cartes. Le gaz naturel liquéfié s’est imposé comme un levier stratégique, mais aussi comme une source d’instabilité. Plus récemment, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a débouché sur un raidissement de la position U.S vis-à-vis de la Chine, et exacerbé les tensions entre les deux géants de l’économie mondiale. En réponse aux attaques en règle de Washington, Pékin a suspendu sans coup férir ses importations de GNL en provenance des États-Unis, ce qui perturbe une partie des flux maritimes mondiaux.
Dans ce contexte incertain, GTT conserve néanmoins des atouts majeurs, tels que son carnet de commandes fort bien garni. Alimenté principalement par les chantiers navals sud-coréens, qui représentent 76 % de ses revenus en 2023, ce carnet de commandes reste solide et à l’écart des sanctions. Cette base permet d’assurer une visibilité au moins jusqu’en 2027, confortant ainsi la résilience immédiate de l’entreprise.
Le véritable enjeu se situe donc au-delà de cet horizon. Si les tensions commerciales devaient perdurer ou s’intensifier, elles pourraient ralentir la dynamique de commandes de nouveaux méthaniers, notamment en Chine.