
Des cycles de l’innovation qui divisent
Deux camps s’opposent traditionnellement sur la question de l’adoption des nouvelles technologies.
D’un côté, les partisans estiment qu’aucune innovation, aussi révolutionnaire soit-elle, ne s’impose instantanément. Ils s’appuient sur les tendances historiques et sur des périodes longues pour défendre l’idée d’une adoption progressive, mais inéluctable.
De l’autre, les sceptiques doutent non seulement de la nécessité de certaines avancées, mais adoptent une approche pragmatique : selon eux, si une technologie ne parvient pas rapidement à franchir un cap déterminant — que ce soit en termes de taux de pénétration ou d’usage intensif —, alors elle est vouée à l’échec.
Observons maintenant les données avancées par ces deux visions opposées.

L’adoption technologique : une simple question de temps
Un premier graphique permet d’apprécier la temporalité propre à chaque grande innovation du dernier siècle. Le temps s’impose comme un facteur clé : même les inventions les plus essentielles, comme l’électricité, n’ont pas été adoptées instantanément. Il aura ainsi fallu plus de 50 ans pour que cette dernière atteigne un taux d’adoption de 100 % dans les foyers américains.
Faut-il alors en conclure que les cryptomonnaies, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique ou la robotique avancée mettront, elles aussi, plusieurs décennies avant d’atteindre un taux d’adoption de 80 %, seuil généralement considéré comme un signe de maturité pour un marché cible ?
Pour nuancer cette hypothèse, regardons le temps qu’il a fallu à différentes technologies pour atteindre 100 millions d’utilisateurs.
Le Web 3, qui sous-tend Bitcoin et les crypto-actifs, a franchi ce cap en décembre 2020, soit environ 11 ans après son apparition. Ce rythme est comparable à celui d’Internet, qui a mis un peu moins de 8 ans pour atteindre le même seuil (source : Cryptoast).

Toutefois, les innovations s’appuyant sur Internet comme infrastructure — les réseaux sociaux, les plateformes de streaming ou plus récemment l’intelligence artificielle — ont pulvérisé ces records, atteignant des centaines de millions d’utilisateurs en quelques mois, voire quelques jours seulement.

Sommes-nous face à un changement de paradigme où les utilisateurs privilégient désormais l’IA aux cryptos, ou assistons-nous plutôt à une extension naturelle des innovations issues d’Internet ? Autrement dit, plutôt que d’opposer ces technologies, ne faut-il pas les voir comme des ramifications interconnectées d’un même écosystème numérique ?
Lorsqu’on prend du recul, on constate qu’Internet lui-même, bien que largement ancré dans notre quotidien occidental, n’a pas encore atteint son plateau idéal de 80 % d’adoption à l’échelle mondiale.
D’après Statista et la Banque mondiale, seuls 67,4% de la population mondiale étaient connectés en décembre 2023, avec une sur-représentation des pays occidentaux. Une carte de 2019 illustre d’ailleurs la répartition géographique de cette connectivité.
