Bitcoin & Cryptos : où placer ses premiers euros ?

Les performances du Bitcoin et des cryptomonnaies font rêver… mais elles peuvent aussi intimider. Faut-il tout miser sur une pépite encore inconnue, avec l’espoir de décupler sa mise, ou privilégier la star des cryptomonnaies Bitcoin ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé Enzo Hallot, président de Crypto Patrimoine et expert reconnu de l’allocation en actifs numériques. Il livre une méthode d’approche claire et maîtrisée, ainsi que les repères essentiels pour comprendre ce qu’est vraiment Bitcoin.


Vincent Bezault : Quand on débute en tant qu’investisseur, vers quelles cryptomonnaies se tourner ?
Et quelle est d’après vous la meilleure stratégie ?

Pourquoi privilégier Bitcoin pour une première exposition ?

Enzo Hallot :
Je suis d’avis que, sur une classe d’actifs aussi agressive que celle-ci, il est préférable de se montrer défensif. Pour moi, Bitcoin doit représenter le cœur d’un portefeuille, et c’est le premier investissement à faire lorsqu’on souhaite entrer sur ce marché.
Il y a une multitude de raisons à cela. D’abord, si on regarde dans le rétroviseur, s’il y a une crypto-monnaie qui est en tête de tous les classements en termes de capitalisation boursière, c’est Bitcoin. Aucune autre.
Une personne qui serait venue vous voir en 2013 en disant : “Je suis un génie, j’ai acheté plein de crypto-monnaies”, si cette personne a acheté autre chose que du Bitcoin, aujourd’hui elle n’a probablement plus rien.
Pour moi, Bitcoin doit représenter le cœur du portefeuille. C’est la crypto-monnaie avec les fondamentaux les plus solides. On va en parler ensemble dans cette vidéo, non pas avec une casquette d’ingénieur, mais bien avec celle de financier.
Les autres crypto-monnaies sont, à mon sens, davantage des projets. Il faut vraiment séparer les deux.
Bitcoin a une vraie proposition de valeur. Il a été créé pour permettre à des personnes d’échanger de la valeur sans se connaître et sans recourir à un tiers de confiance pour valider ces transactions.
C’est à partir de ce principe que de nombreuses crypto-monnaies ont vu le jour. Il en existe aujourd’hui plus de 30 000. À mon avis, 95 % d’entre elles sont à mettre à la poubelle.
Si l’on compare avec la bulle Internet des années 2000, il y avait des centaines de sociétés en “.com”, mais aujourd’hui, seuls quatre ou cinq géants ont émergé.
Est-ce qu’on assistera à la même chose avec la technologie blockchain ? Peut-être. On se projette, on ne sait pas.
Mais s’il ne devait en rester qu’une, ce serait Bitcoin. Là-dessus, il y a peu de doutes.
En revanche, est-ce que ce sera ensuite Ethereum ou une autre ? C’est là que réside tout le risque. D’où l’importance de construire des portefeuilles cohérents, que l’on soit novice ou expert.

Qu’est-ce qui donne sa valeur au Bitcoin ?

Vincent Bezault : Donc vous dites que, finalement, Bitcoin, c’est un peu le cœur du système. Qu’il faut investir dans le cœur, ou en tout cas lui accorder une place privilégiée dans une poche crypto. Alors revenons un petit peu au fondamental justement :
qu’est-ce qui fait que l’on peut considérer que Bitcoin a de la valeur, au-delà de l’aspect spéculatif qui attire tant de monde ?
Enzo Hallot : Il y a d’abord un aspect mathématique que je trouve intéressant. Le fait que la réserve soit gérée de manière transparente et prédéfinie dans le temps.
Ce qui me pose problème aujourd’hui dans la finance traditionnelle, c’est la gestion des monnaies de banque centrale — l’euro, le dollar, etc. C’est ce qu’on appelle la planche à billets.
À chaque nouvelle crise — le Covid, la guerre russo-ukrainienne — on relance cette planche à billets. Or, moins un bien est rare, moins il a de la valeur.
L’intérêt de Bitcoin, dans son esprit mathématique, réside dans la gestion de sa réserve. Le nombre de bitcoins générés toutes les dix minutes est divisé par deux tous les trois à quatre ans.
Cela répond à une logique monétaire : comme la population mondiale augmente, il faut un peu plus de monnaie pour que chacun puisse l’utiliser. Mais avec Bitcoin, on peut aller jusqu’à la huitième décimale après la virgule. Donc il est parfaitement fractionnable.

Vincent Bezault : On peut fractionner le Bitcoin, donc ?

Enzo Hallot : Exactement.

Vincent Bezault : Et on sait que le nombre de Bitcoins sera limité.
 
Enzo Hallot : Oui. Pour donner un ordre d’idée, quand Bitcoin a été lancé, 50 bitcoins étaient créés toutes les dix minutes. Ensuite, ce chiffre a été réduit à 25, puis à 12,5, 6,25, et aujourd’hui 3,125.
Ce mécanisme de raréfaction, face à une demande qui augmente, fait que, mathématiquement, le prix est poussé à la hausse.
C’est impossible autrement.
D’un point de vue macroéconomique, ce qu’il faut regarder, c’est l’adoption : le nombre de nouveaux portefeuilles Bitcoin créés, le nombre de nouveaux entrants.
C’est un bon indicateur. Le jour où cette dynamique s’inverse — où l’offre diminue et la demande aussi —, le prix stagnera ou baissera.
Mais aujourd’hui, nous n’en sommes qu’au début.

Des ETF Bitcoin aux réserves d’États : un tournant majeur

Vincent Bezault : On voit justement que de grandes sociétés de gestion, mais aussi certains États, s’intéressent de près au Bitcoin. Est-ce que cela change quelque chose de fondamental selon vous ?

Enzo Hallot : Oui, absolument. Du côté des sociétés de gestion, on peut citer BlackRock, Invesco, Fidelity, qui ont lancé des produits réglementés sur Bitcoin.
C’est un changement majeur, surtout en matière d’accessibilité. Aujourd’hui, il existe différents supports pour s’exposer à Bitcoin.
Et si ce sujet vous intéresse, nous organiserons d’ailleurs un webinaire pour présenter ces différents outils, avec leurs avantages et inconvénients respectifs.
Le fait que, par exemple, l’ETF Bitcoin de BlackRock ait été le meilleur lancement d’ETF de ces 30 dernières années est très significatif.
Autre point clé : la réglementation européenne, qui est enfin en place. Même si elle reste en constante évolution, elle offre désormais un cadre clair pour les institutionnels, ce qui leur permet de proposer ce type de produits à leurs clients, avec une meilleure gestion des risques.
Tout cela renforce les fondamentaux du Bitcoin.
Il y a dix ans, on voulait éviter que Bitcoin tombe entre les mains de géants comme BlackRock. Mais aujourd’hui, je me rends compte que si l’on veut que son prix monte, il faut des encours importants.

Désormais, ce sont les États, en intégrant progressivement le Bitcoin à leurs réserves stratégiques, et les sociétés de gestion d’actifs, en l’ouvrant à leurs clients institutionnels, qui porteront le Bitcoin vers de nouveaux sommets.

Bitcoin, entre innovation technologique et valeur économique


Vincent Bezault : Revenons tout de même à la proposition de valeur de Bitcoin. Vous l’avez dit, c’est une monnaie dont la création est limitée — un point fondamental, surtout dans le contexte actuel. C’est un actif de plus en plus adopté par les institutions, ce qui devrait favoriser sa diffusion… et sa valorisation.
Mais est-ce qu’il n’y a pas aussi une valeur dans la technologie même de Bitcoin ? Vous êtes un financier, mais ne trouvez-vous pas que la technologie porte en elle une forme de valeur ?

Enzo Hallot : Oui, bien sûr. Il y a plusieurs façons de voir les choses. L’angle technologique est important, surtout si l’on veut comprendre les rouages et se projeter dans le futur.
Mais l’angle fondamental, lui, permet de déterminer s’il y a une vraie utilité, une vraie valeur économique.
En réalité, il faut les deux pour que ça fonctionne.
À titre de comparaison : si je vous présente une application sur mon téléphone en ne parlant que de son code, vous allez probablement vous en moquer.
C’est pareil avec la blockchain. Ce qui compte, en tant qu’investisseur ou financier, c’est de comprendre où se crée la valeur.
Le pourquoi du comment, c’est intéressant pour les curieux et les passionnés, mais ça passe après.
Bitcoin représente une exposition inédite dans un portefeuille : il n’est ni étatique, ni institutionnel.
Il permet de réaliser des transactions internationales en quelques secondes, de manière traçable et immuable.
Il offre aussi une forme de pseudonymat. Dans un contexte où les données personnelles sont constamment utilisées et surveillées — avec le RGPD notamment — cela a un certain intérêt, même si limité.
Mais surtout, c’est un outil de stockage de valeur.
J’aime beaucoup cet exemple : en 2013, avec 1000 euros, vous pouviez vous acheter un iPhone et demi.
Avec un bitcoin, vous n’achetiez rien.
Aujourd’hui, avec 1000 euros, vous n’achetez plus un iPhone. Avec un bitcoin, vous pouvez en acheter presque 70.
Ce n’est pas forcément du pouvoir d’achat stricto sensu, mais c’est révélateur de l’évolution de la valeur.
Ce phénomène s’ajoute à tout le socle fondamental de Bitcoin, dans un monde où les banques centrales, depuis la crise des subprimes et le Covid, ont actionné massivement la planche à billets.
Tous les voyants sont au vert pour que Bitcoin continue à gagner du terrain.
C’est un actif très risqué, certes, mais avec le couple performance/risque le plus intéressant aujourd’hui.

Les performances de Bitcoin face aux indices boursiers

Vincent Bezault : On peut redonner quelques performances. À début mars, sur 12 mois glissants, Bitcoin a progressé de près de 151 %. Mais ce qui est vraiment parlant, ce sont les performances sur 5 et 10 ans, en annualisé.

Enzo Hallot : Bien sûr. C’est très supérieur à ce qu’on observe sur les indices traditionnels, comme le Nasdaq 100 (cf. image ci-dessous.)
On prend souvent le Nasdaq comme référence, faute d’outil de valorisation adapté à Bitcoin.

Est-ce qu’on doit le comparer à une banque ? À une société de création de logiciels ?
Aujourd’hui, il est difficile de valoriser Bitcoin, car il n’existe rien de vraiment comparable.
Faut-il le comparer à l’or ? Peut-être.
J’estime que sa capitalisation pourrait atteindre celle de l’or.
Les rôles sont différents, mais les fondamentaux sont liés : quantité limitée, réserve de valeur, absence de lien avec un État.
Et quand on regarde les performances : sur 5 ans, Bitcoin fait 3 fois mieux que le Nasdaq. Sur 10 ans, 5 fois mieux.
Mais attention, ce n’est pas le même niveau de risque, ni de volatilité.
C’est pour cela que je le considère comme un actif satellite. On ne peut pas le comparer directement au Nasdaq. C’est un autre univers.
 
Quelle place pour Bitcoin dans une allocation patrimoniale ?

Vincent Bezault : Dans une allocation globale, quelle place peut-on raisonnablement accorder à Bitcoin ?

Enzo Hallot : Dans une allocation patrimoniale, il faut tenir compte de l’exposition globale au risque.
Si vous êtes déjà très exposé à des actifs comme le private equity ou les produits structurés risqués, il faut le prendre en compte.
Pour nos clients patrimoniaux, j’estime que la part dédiée aux actifs numériques ne doit pas dépasser 2 à 5 % du portefeuille.
Après, si la personne n’a pas d’enfant, n’est pas mariée, on peut envisager un peu plus.
Mais chacun doit connaître son profil de risque.
Et surtout, il faut se rappeler une règle essentielle : n’investissez que l’argent dont vous n’avez pas besoin.
C’est fondamental.
La volatilité est réelle, et les effets de marché peuvent être violents.

Bitcoin : le temps pour allié ?

Vincent Bezault : Justement, en vous écoutant, on se dit que l’avenir est assez rose pour Bitcoin. Mais au moment où l’on enregistre cette émission, depuis l’investiture de Donald Trump, Bitcoin a reculé de plus de 20 %. Si on avait investi ce jour-là, on aurait mal…

Enzo Hallot : Les personnes qui ont investi en novembre 2021, quand le Bitcoin valait 60 000 dollars, ont souffert pendant deux ans.
Aujourd’hui, elles sont à plus de 20 % de performance. Le temps est votre allié sur le marché des cryptos.
Vous n’achèterez pas au plus bas, vous ne vendrez pas au plus haut. C’est une certitude.
Moi, j’ai acheté du Bitcoin à des prix très différents : très bas, mais aussi à 40 000, à 60 000…
Et je continue à en recommander à 80 000. Si vous me dites que vous voulez faire un gain en six mois, oui, aujourd’hui il est cher. Mais à long terme, je pense qu’il est encore peu cher. C’est une question de temporalité.

Mainmise d’un État sur le Bitcoin : une menace réelle ou simple fantasme ?

Vincent Bezault : Est-ce qu’il n’y a pas tout de même un problème ?
Vous avez parlé de l’adoption par les institutions, qui est un facteur favorable à court et moyen terme.
Mais on parle aussi de l’intérêt croissant des États.
Est-ce que la valeur de Bitcoin, fondée sur son indépendance vis-à-vis des banques centrales et des États, ne risque pas de disparaître si ces derniers commencent à le prendre en main ?

Enzo Hallot : Je ne pense pas, au contraire.
Si la France annonçait demain vouloir placer 5 % de ses réserves en devises internationales en Bitcoin, ce serait très positif.
Ça permettrait même de combler certains trous dans notre budget, au vu des performances passées.
Alors oui, ça augmenterait le risque, et je ne pense pas que la France soit prête à le faire.
Mais d’autres pays y songent : la Tchéquie, les États-Unis, le Salvador…
Si les États-Unis s’engagent, d’autres suivront.
Je préfère que le fondamental repose sur des dynamiques structurelles : réglementation, nouveaux produits, adoption…
Pas sur des leaders d’opinion comme Elon Musk ou Donald Trump, qui relèvent davantage du tactique.
Ce n’est pas très positif, selon moi, que ce marché soit influencé par des intérêts aussi volatils.
Il y a aussi le risque de manipulation.
Par exemple, si un État veut constituer une réserve, mais trouve le Bitcoin trop cher à 100 000, il peut faire passer quelques annonces négatives pour faire baisser le cours à 80 000, puis acheter discrètement.
Les conflits d’intérêts sont omniprésents sur ce marché.
On l’a vu aussi en France : l’AMF encadre désormais les influenceurs crypto. C’est une bonne chose. On sent bien que tout cela a encore besoin d’être structuré.
Le vrai risque, ce n’est pas tant que les États possèdent du Bitcoin. C’est s’ils contrôlent plus de 50 % de la puissance de calcul du réseau.
Là, ils pourraient modifier des blocs ou intervenir sur les transactions.
Aujourd’hui, c’est techniquement possible, mais hautement improbable. Il ne faut pas l’ignorer, mais le pire n’est jamais sûr.
Et si tous les pays veulent une réserve, il n’y aura de toute façon pas assez de bitcoins pour tout le monde.

Bitcoin : y en aura-t-il pour tout le monde ?

Vincent Bezault : C’est le directeur de BlackRock qui disait récemment qu’il n’y aurait pas assez de bitcoins pour tous les millionnaires, n’est-ce pas ?
Enzo Hallot : Exactement. Et là, on ne parle même pas des États.
Il y a 21 millions de bitcoins au total, pour 7 milliards d’habitants.
C’est un ratio complètement démentiel. Et encore, certains veulent en posséder plusieurs.
MicroStrategy détient entre 350 000 et 400 000 bitcoins, BlackRock à peu près autant.
Sans compter les 20 % de la réserve perdue à jamais, à cause de portefeuilles devenus inaccessibles.
Avoir 50 % de la réserve mondiale, c’est déjà très difficile. Et avoir 50 % de la puissance de calcul, c’est encore plus improbable.

Investir dans les cryptomonnaies : l’essentiel à retenir

Vincent Bezault : Pour vous, si l’on souhaite investir dans les cryptos, il faut commencer par Bitcoin, car c’est le cœur de l’écosystème.
C’est un actif dont l’offre est plafonnée, alors que la demande continue d’augmenter.
Son adoption par les sociétés de gestion change la donne, car ce sont elles, par la puissance de leurs encours, qui peuvent véritablement faire évoluer sa valeur.
C’est aussi un actif qui intéresse les États, dans un contexte où la création monétaire est massive, et où l’on s’interroge sur la valeur des monnaies classiques.
Vous soulignez aussi que Bitcoin, au-delà de sa valeur monétaire, repose sur une technologie utile, qui répond à de vrais besoins.
Enfin, vous rappelez qu’il existe plusieurs moyens de s’exposer à Bitcoin, et que, pour les investisseurs qui veulent maîtriser leur allocation, cela ouvre un champ d’action.
Mais vous insistez aussi sur un point essentiel : le risque, qui impose de limiter l’exposition aux crypto-actifs à 2 à 5 % du portefeuille, selon son profil d’investisseur.

Enzo Hallot : Je le répète. Si vous débutez sur ce marché, commencez par Bitcoin. Dans le cas contraire, ce serait comme commencer à investir sur les marchés boursiers en achetant des Small caps biotech avant même d’avoir des actions de qualité en portefeuille.
Quel que soit l’actif, cryptos, actions, obligations. On commence par bâtir un cœur de portefeuille. Ensuite, on peut ajouter des satellites. Mais pour maximiser vos chances de gagner de l’argent à long terme, aujourd’hui, le cœur, c’est Bitcoin.

Vincent Bezault : Un principe de bon sens financier.
 

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