Bourse : une équation européenne défavorable

Le scénario économique retenu par le consensus pour la zone euro est-il trop optimiste ? Pour Patrick Artus, la réponse est clairement positive. Dans cet échange avec Vincent Bezault, le conseiller économique d’Ossiam explique pourquoi l’Europe risque de décevoir et ce que cette trajectoire implique concrètement pour la Bourse européenne.

Une arithmétique de la croissance défavorable à la zone euro

Vincent Bezault : Le consensus des économistes table sur une croissance d’environ 1,2 % pour la zone euro en 2026. Vous estimez que cette prévision est beaucoup trop optimiste. Pourquoi ?
 
Patrick Artus : La croissance repose toujours sur trois composantes : la productivité, la population en âge de travailler et le taux d’emploi. Lorsque l’on observe ces trois éléments dans la zone euro, le constat est clair.
Premièrement, la productivité stagne. Elle ne progresse plus depuis 2017 et ne montre aucun signe de redressement. La situation est même plus préoccupante en France, où la productivité est aujourd’hui 2,5 % inférieure à son niveau de 2019.
Deuxièmement, la population en âge de travailler diminue. La baisse est modérée, mais bien réelle, de l’ordre de 0,2 à 0,3 point par an.
Dans ces conditions, la seule source de croissance réside dans la hausse du taux d’emploi, c’est-à-dire la proportion de personnes en âge de travailler qui occupent effectivement un emploi. Depuis 2017, le taux d’emploi progresse en moyenne de 0,55 point par an dans la zone euro, mais cette dynamique ralentit.
En France, le taux d’emploi n’augmente plus, notamment en raison de la remontée du chômage des jeunes et de l’arrêt de la réforme des retraites. Dans les pays du nord de la zone euro – Pays-Bas, Allemagne, Finlande – le taux d’emploi est déjà très élevé et peine à progresser davantage.
La hausse du taux d’emploi repose donc désormais essentiellement sur l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Si l’on suppose une progression annuelle de 0,4 à 0,5 point, cela génère une croissance comprise entre 0,7 % et 0,8 % pour la zone euro.
Dans ce contexte, une croissance supérieure à 1 % me paraît très improbable. Il y aura sans doute une déception, certes limitée, mais réelle, par rapport aux prévisions actuelles. L’arithmétique est implacable : pas de gains de productivité, une population active en recul, un taux d’emploi qui progresse moins vite… La croissance restera inférieure à 1 % en 2026.
 
La BCE au soutien des marchés ?

Vincent Bezault : Les marchés financiers réagissent parfois de manière paradoxale. Une croissance décevante ne pourrait-elle pas inciter la BCE à adopter une politique plus accommodante, ce qui soutiendrait les marchés actions ?
 
Patrick Artus : Beaucoup plaident effectivement pour une politique monétaire plus expansionniste, mais l’argument avancé n’est pas tant la faible croissance que le taux de change de l’euro. L’euro s’est fortement apprécié face au yen japonais et au renminbi chinois, ce qui pénalise la compétitivité-coût de l’industrie européenne, en particulier face à la Chine et à ses partenaires régionaux.
La question est donc la suivante : la BCE peut-elle encore baisser ses taux ? J’en doute. La BCE ne fonctionne pas comme la Réserve fédérale américaine, qui prend en compte une large palette d’indicateurs : inflation, emploi, croissance. La BCE, elle, se concentre d’abord sur l’inflation.
Or l’inflation sous-jacente dans la zone euro reste à 2,4 %, au-dessus de l’objectif de la BCE. Elle est principalement tirée par l’inflation des services, qui atteint 3,4 % sur un an en novembre et continue d’accélérer. Il n’y a donc pas de véritable bonne nouvelle sur le front inflationniste.
Cette inflation persistante est directement liée à l’absence de gains de productivité. Lorsque la productivité ne progresse pas, les hausses de salaires se traduisent intégralement en coûts salariaux unitaires, ce qui alimente mécaniquement l’inflation.
Dans ces conditions, la BCE aura beaucoup de mal à poursuivre la baisse de ses taux. Et même si elle le faisait, le potentiel est très limité. Passer de 2 % à 1,75 % ne changerait pas grand-chose aux taux d’intérêt à long terme.
 
Taux longs : une pression structurelle ?

Vincent Bezault : Vous évoquiez le fait que les marges de manœuvre de la BCE sont réduites. Or on observe aussi une hausse progressive des taux d’intérêt à long terme dans la zone euro. Comment l’expliquez-vous ?
 
Patrick Artus : Effectivement, les taux longs de la zone euro augmentent de manière continue, certes lentement, mais régulièrement. Depuis le mois de septembre, le taux à dix ans allemand a progressé d’environ 30 points de base, avec des hausses quotidiennes modestes mais persistantes.
Cela s’explique par deux facteurs principaux. D’abord, il n’y a pas de perspective crédible de baisse marquée des taux courts, comme nous l’avons évoqué. Ensuite, les inquiétudes autour des déficits publics sont croissantes, en particulier en Allemagne et en France.
À cela s’ajoute un élément souvent sous-estimé : le comportement des investisseurs japonais. Ceux-ci ont massivement investi dans la dette européenne ces dernières années. Or ils commencent à envisager un rapatriement de capitaux vers le Japon. Les taux longs japonais approchent désormais 2 %, et surtout, le yen a cessé de se déprécier, voire s’est légèrement réapprécié.
Lorsque l’on discute avec ces investisseurs, ils expliquent qu’ils étudient sérieusement la possibilité de rapatrier des fonds aujourd’hui investis aux États-Unis et en Europe. C’est donc un risque supplémentaire de tension sur les rendements obligataires européens.
Dans ce contexte, il ne faut pas compter sur la courbe des taux pour soutenir les marchés actions. Le potentiel de baisse des taux courts est faible, voire nul, tandis que le potentiel de hausse des taux longs demeure réel.
 
Quantitative easing : un scénario peu probable en 2026 ?

Vincent Bezault : Compte tenu des difficultés budgétaires, notamment en France et en Allemagne, peut-on envisager un retour du quantitative easing en 2026, peut-être au second semestre ?
 
Patrick Artus : Le consensus des ECB Watchers, qui correspond aux déclarations de la BCE, est assez clair. Au plus tôt, la BCE mettrait fin au quantitative tightening à la fin de 2026. Je serais extrêmement surpris qu’elle repasse à du quantitative easing dès cette échéance.
Les travaux de la BCE montrent qu’il est nécessaire de poursuivre la réduction de la taille du bilan jusqu’à ce que la liquidité banque centrale corresponde aux besoins structurels des banques. L’objectif est donc de continuer le quantitative tightening jusqu’à fin 2026.
Je ne crois pas à un changement brutal de stratégie. En revanche, il est possible que la BCE ralentisse progressivement le rythme de réduction des volumes rachetés au cours de l’année 2026. Mais passer d’un resserrement quantitatif à un assouplissement quantitatif me paraît très improbable.
 
Crise obligataire : un scénario à exclure ?

Vincent Bezault : Vous ne voyez toujours pas de crise obligataire se profiler, notamment en zone euro ?
 
Patrick Artus : S’il devait y avoir une crise obligataire aujourd’hui, le seul candidat serait la France. Mais précisément pour cette raison, la BCE interviendrait immédiatement. Elle ne peut pas accepter un risque d’insolvabilité de la France, car ce serait tout simplement la fin de l’euro.
Tout le monde le sait. Et parce que tout le monde sait que la BCE ne peut pas laisser la France faire défaut, personne n’attaque la dette française. Le spread entre l’OAT à dix ans et le Bund allemand, autour de 70 points de base, est d’ailleurs très étroit au regard des fondamentaux.
Ce spread s’explique uniquement par l’absence totale de risque de défaut, quelle que soit la trajectoire budgétaire future. Il n’y a donc pas de scénario crédible de crise obligataire à court terme.
 
Bénéfices : un consensus trop optimiste ?

Vincent Bezault : Si l’on résume, on a une croissance faible et une BCE dont les marges de manœuvre sont limitées. Est-ce que cela ne réduit pas fortement le potentiel de progression des bénéfices des entreprises européennes ? N’est-ce pas là le principal risque pour les marchés européens, d’autant que la croissance des bénéfices attendue par le consensus approche les 10 % ?

Patrick Artus : Je partage cette inquiétude. Le consensus indique déjà une légère baisse des bénéfices par action en 2025 pour l’ensemble du marché européen, avant une hausse de plus de 10 % en 2026. J’ai beaucoup de mal à croire à ce scénario.
La croissance européenne est très faible. Le seul pays qui échappe vraiment à cette atonie, c’est l’Espagne. En Allemagne, on est proche de zéro croissance. En France, la bonne surprise du troisième trimestre est largement liée aux exportations d’avions et d’armements, ce qui constitue un facteur ponctuel et non reproductible. En Italie, la croissance est elle aussi proche de zéro.
Par ailleurs, le marché du travail européen reste tendu. La proportion d’entreprises déclarant des difficultés de recrutement demeure nettement supérieure à sa moyenne historique. Là encore, c’est une conséquence directe de l’absence de gains de productivité.
Les salaires continuent d’augmenter rapidement, à un rythme supérieur à 3 % en fin d’année dans la zone euro. Si l’on observe l’évolution des taux de marge des entreprises européennes jusqu’au deuxième trimestre, la tendance est clairement à la baisse. Rien ne permet d’anticiper un retournement marqué en 2026.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi les marges se redresseraient fortement l’an prochain. Le scénario le plus probable est donc une révision à la baisse du consensus de bénéfices par action.
 
Secteurs gagnants : une valorisation désormais contraignante

Vincent Bezault : Ce n’est pas une très bonne nouvelle pour les marchés. Faut-il alors continuer à se concentrer sur les secteurs qui ont surperformé en 2025, comme les banques ou l’aéronautique-défense ? ou le problème de valorisation devient-il central ?
 
Patrick Artus : De toute façon, le constat est clair : le secteur industriel est en grande difficulté. La situation de l’industrie est mauvaise en Allemagne, en France comme en Italie.
Le marché actions européen a été porté essentiellement par l’aviation, avec Airbus, par les entreprises de la défense, et par les banques. Or ces secteurs affichent désormais des valorisations élevées. Depuis un mois, on observe d’ailleurs un repli boursier de ces valeurs.
Les hausses de cours ont été extrêmement fortes depuis le début de l’année. La question centrale est donc la suivante : ces entreprises vont-elles mal ? Non. Les entreprises de la défense, de l’aéronautique et les banques se portent très bien. Mais cette bonne santé est-elle déjà intégrée dans les prix ? C’est toute la question.
Les enquêtes menées auprès des investisseurs internationaux montrent une inquiétude croissante sur le marché américain, liée à un risque de bulle sur la tech et sur les Telecoms. Dans la classification sectorielle américaine, des groupes comme Google ou Meta relèvent d’ailleurs des services de télécommunications.
L’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle et l’ampleur des budgets d’investissement alimentent cette inquiétude. Un indicateur est particulièrement révélateur : le margin credit, c’est-à-dire les achats d’actions à crédit aux États-Unis, atteint un plus haut historique, cinq fois supérieur au pic de la bulle de 2000. C’est un signal clairement négatif.
Certains investisseurs envisagent donc de réduire leur exposition aux États-Unis, notamment sur la tech, et de se repositionner ailleurs. L’Europe pourrait sembler attractive en raison de valorisations plus faibles et d’un tissu d’entreprises plus traditionnelles, avec moins d’exposition à l’IA.
Mais je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne idée. Je doute que le potentiel du marché européen soit suffisant, compte tenu de la faiblesse de la croissance et des perspectives de bénéfices. D’ailleurs, les enquêtes montrent que si les investisseurs sortaient des États-Unis, ils privilégieraient surtout les marchés asiatiques et les marchés émergents, voire le Japon, plutôt que l’Europe.
 
Espagne : seul moteur de croissance crédible en zone euro ?

Vincent Bezault : Vous évoquiez l’Espagne comme une exception en Europe. Est-ce que cela justifie une exposition accrue aux valeurs espagnoles ?

Patrick Artus : Oui, clairement. L’économie espagnole affiche une croissance d’environ 2,8 % cette année, ce qui tranche nettement avec la situation des autres grands pays européens : zéro en Allemagne, 0,8 à 0,9 % en France et 0,5 % en Italie.
Certains investisseurs ont une vision très négative de l’Espagne, estimant que sa croissance repose essentiellement sur les fonds européens et l’immigration. Il est vrai que l’Espagne a déjà investi environ 70 milliards d’euros issus des fonds européens, notamment du programme Next Generation EU, et qu’elle a accueilli près de deux millions d’immigrants en trois ans. Ces éléments jouent un rôle.
Mais la croissance espagnole ne se limite pas à cela. Le pays a développé une véritable base industrielle, notamment dans les énergies renouvelables et dans la technologie. Il existe aujourd’hui de véritables pôles technologiques en Espagne, à Barcelone, Madrid et Malaga, qui attirent des investissements significatifs, du private equity, des fonds internationaux, ainsi que des entreprises et des salariés qualifiés du secteur technologique.
L’Espagne n’est donc pas une économie de bas de gamme. C’est une économie plus équilibrée, avec une composante technologique réelle, ce qui explique sa dynamique actuelle. Je pense que cette croissance restera durablement élevée, probablement autour de 2,5 à 2,6 % l’an prochain, quand le reste de la zone euro restera à des niveaux très faibles.
Dans ce contexte, s’il y a un pays à surpondérer au sein de la zone euro, c’est clairement l’Espagne. D’ailleurs, cela se reflète déjà dans les performances boursières : les indices espagnols surperforment ceux des autres pays européens.
 
France : le CAC 40 injustement sanctionné ?

Vincent Bezault : Beaucoup de particuliers sont exposés au marché français, par biais domestique. Or le CAC 40 est aujourd’hui au même niveau qu’au début du mois de mars et n’a pratiquement pas progressé. L’amalgame entre la situation économique française et l’activité internationale des entreprises du CAC 40 ne pénalise-t-il pas durablement la Bourse de Paris ?

Patrick Artus : Il existe effectivement une anomalie structurelle, mais on ne peut pas y faire grand-chose. Le CAC 40 devrait théoriquement être corrélé à l’économie mondiale, puisque les grandes entreprises françaises réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires à l’étranger. Or, dans les faits, il reste corrélé à l’économie française.
C’est un biais ancien et constant : les marchés associent les indices boursiers à la localisation du siège social, et non à celle des revenus. Ce biais a toujours existé et il continue de jouer.
Ce qui est plus surprenant, en revanche, c’est que le marché actions français réagit beaucoup plus négativement aux risques politiques et budgétaires que le marché obligataire. Le marché obligataire français résiste relativement bien, avec un spread autour de 70 points de base face au Bund, contre plus de 80 auparavant, et ce malgré les mauvaises nouvelles budgétaires liées à 2025 et probablement 2026.
Les investisseurs en actions, eux, n’aiment ni l’incertitude politique, ni les déficits publics. À l’inverse, les investisseurs obligataires continuent à acheter massivement de la dette française. Il n’y a donc pas de corrélation entre le comportement des acheteurs d’obligations et celui des acheteurs d’actions.
 
 France : des freins durables ?

Vincent Bezault : Au-delà de ce biais domestique, les perspectives économiques françaises restent-elles fondamentalement moroses pour les marchés ?

Patrick Artus : Oui, clairement. Les entreprises réagissent très mal à l’incertitude, qu’elle soit politique, budgétaire ou fiscale. Les enquêtes le montrent très nettement. Par exemple, l’enquête de Rexecode auprès des PME indique qu’une très large majorité d’entre elles prévoit d’investir moins en 2025 qu’en 2024.
Il y a également une désindustrialisation qui s’accélère. Aujourd’hui, le nombre de fermetures d’usines est devenu supérieur au nombre d’ouvertures, alors que c’était l’inverse jusqu’en 2023. C’est un signal très négatif.
Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs : l’appréciation de l’euro face au renminbi, la concurrence chinoise, l’arrivée massive de biens importés, mais aussi la faiblesse de la demande intérieure, en particulier celle des ménages.
Dans ces conditions, il est difficile d’être optimiste sur l’économie française. La croissance de 0,8 à 0,9 % attendue cette année repose largement sur des exportations spécifiques, notamment dans l’aéronautique et l’armement, dont le profil est irrégulier sur l’année. Ce n’est pas un moteur structurel.
Pour l’an prochain, la croissance française devrait plutôt se situer autour de 0,7 à 0,8 %. Il n’y a donc pas de catalyseur évident pour un redressement durable du marché actions français.
 
CAC 40 : le stock picking comme seule approche pertinente ?

Vincent Bezault : Pour autant, la sous-performance actuelle du marché français ne crée-t-elle pas des opportunités de long terme, notamment sur certaines grandes valeurs de qualité ? Faut-il se résoudre à faire exclusivement du stock picking ?

Patrick Artus : Oui, clairement. Pour un investisseur de moyen ou long terme, il peut y avoir des opportunités ponctuelles sur certaines entreprises françaises de grande qualité. Le tissu d’entreprises reste solide et comprend de véritables fleurons internationaux.
Mais il faut être lucide : le CAC 40 globalement plat me paraît largement inévitable. Je ne vois pas d’où pourrait venir une amélioration macroéconomique significative l’an prochain.
À un moment donné, les investisseurs vont également commencer à intégrer un nouveau facteur de risque : l’élection présidentielle d’avril 2027. Pour l’instant, ce n’est pas encore au centre des préoccupations, car l’horizon est jugé lointain. Les marchés se concentrent surtout sur le débat budgétaire, les concessions faites sur le budget de la Sécurité sociale, et sur l’impression générale d’un pays difficilement réformable de l’intérieur.
Cela nourrit une forme de pessimisme latent, sans provoquer de panique immédiate. Mais à mesure que l’échéance politique se rapprochera, cette incertitude pèsera de plus en plus sur les actifs français.

La synthèse de Vincent

En résumé, Patrick Artus ne croit pas à un scénario de croissance conforme au consensus. Là où la majorité des économistes anticipe une expansion supérieure à 1 %, il table plutôt sur une croissance inférieure à 1 %, autour de 0,8 à 0,9 %. L’écart peut sembler limité, mais ses implications sont loin d’être anecdotiques pour les marchés financiers.

À première vue, une croissance décevante pourrait être perçue comme une bonne nouvelle pour les marchés, dans la mesure où elle appellerait un soutien accru de la Banque centrale européenne. Mais cette lecture ne tient pas. Les marges de manœuvre de la BCE sont désormais très contraintes, en raison d’une inflation sous-jacente encore élevée, à 2,4 %, et surtout d’une inflation des services persistante, autour de 3,4 %. Dans ces conditions, la BCE ne dispose plus des leviers nécessaires pour intervenir de manière significative.

Le point central de l’analyse concerne toutefois les bénéfices des entreprises européennes. Une croissance plus faible que prévu implique mécaniquement un risque de déception sur les résultats. Or le consensus anticipe encore une progression des bénéfices de l’ordre de 10 %, après un recul estimé à 3 % en 2025. Pour Patrick Artus, ce scénario est peu crédible. Si ces anticipations venaient à être revues à la baisse, les actions européennes, souvent jugées peu chères en comparaison des marchés américains, apparaîtraient en réalité moins attractives qu’il n’y paraît.

Dans ce contexte, les choix d’investissement deviennent plus complexes. Les secteurs qui ont surperformé en 2025 – banques, aéronautique et défense – sont désormais correctement valorisés. Leur potentiel de hausse semble plus limité et le couple rendement/risque s’est dégradé, ce qui rend difficile l’anticipation de nouvelles fortes progressions.

Sur le plan géographique, le constat est tout aussi contrasté. L’Allemagne, la France et l’Italie affichent des perspectives de croissance faibles. L’Espagne fait figure d’exception, avec une dynamique plus solide. Et contrairement à certaines idées reçues, cette croissance ne repose pas uniquement sur des activités de faible valeur ajoutée : l’Espagne dispose également d’un tissu technologique et de savoir-faire plus pointus.

La situation française reste, elle, particulièrement pénalisante pour les marchés. En ce qui concerne le CAC 40, l’amalgame persiste entre la situation économique domestique et l’activité des grandes entreprises françaises, alors même que celles-ci réalisent l’essentiel de leurs revenus à l’international. Pour l’instant, ce biais continue de peser sur la valorisation du marché parisien.

À cela s’ajoute le facteur des taux d’intérêt. Les taux longs demeurent sous tension, alimentés par les inquiétudes budgétaires en France et en Allemagne. Les rapatriements de capitaux, notamment en provenance du Japon, pourraient accentuer cette fermeté des taux, ce qui constituerait un frein supplémentaire pour l’activité économique.

Enfin, du point de vue des flux internationaux, le diagnostic est clair : si les investisseurs américains ou internationaux devaient réduire leur exposition aux États-Unis, ils ne se tourneraient pas prioritairement vers l’Europe, mais vers les marchés émergents. L’Europe ne bénéficierait donc pas d’un soutien significatif des flux.

Au total, la combinaison d’une croissance plus faible qu’attendu, de bénéfices sous pression et de flux défavorables conduit à une conclusion nette : l’Europe ne constitue pas aujourd’hui une priorité dans les allocations de portefeuille.

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