Vivendi, l’odyssée d’une mue stratégique

Autrefois conglomérat tentaculaire mêlant télécoms et médias sans réelles synergies, Vivendi s’est métamorphosé, sous la houlette du clan Bolloré, en une entité allégée à la structure de holding presque pure. Une mutation brutale, quasi chirurgicale, achevée en décembre 2024 avec la scission de Canal+, Havas et Lagardère. Aujourd’hui, Vivendi est un proxy de UMG (Universal Music Group) avec 70 % de ses actifs concentrés dans ce joyau du streaming musical.
 
Derrière ce repositionnement se dessinent à la fois des perspectives attrayantes… et des zones d’ombre encore épaisses.
 
Que nous disent les chiffres ?

Forces

Réorientation stratégique claire :
Vivendi est désormais une holding concentrée sur des participations listées (96 % de ses actifs bruts), dont principalement UMG avec une exposition à hauteur de 70% de ses actifs totaux.

UMG : moteur de croissance :
position de leader mondial de la musique enregistrée, rentabilité élevée (ROCE – Rentabilité des capitaux investis – d’environ 20 %), croissance encore solide dans plusieurs zones géographiques malgré un ralentissement aux États-Unis.

Flux de dividendes robustes :
UMG a généré 60 % des dividendes de Vivendi en 2024 (€167M), couvrant largement les €40M versés aux actionnaires.

Structure allégée et transparente :
passage à une structure capital-light, attractive pour les investisseurs long terme.

Décote importante :
Vivendi cote 45% moins cher que son ANR (Actif Net réévalué), ce qui offre potentiellement une forte revalorisation.

Faiblesses

Concentration du portefeuille :
forte dépendance à UMG (plus de 70 % de la valeur brute), ce qui augmente le risque spécifique.

Gouvernance discutable :
soupçons de transactions favorisant la famille Bolloré, bonus controversés malgré des destructions de valeur, procédure en cours pour contrôle effectif.

Dette encore élevée :
ratio loan-to-value de 26 %, bien que partiellement compensé par des cessions (ex. Telecom Italia).

Impact de la scission sous surveillance :
encore peu de recul pour juger l’efficacité de la transformation.

Opportunités

Possibilité d’OPA forcée par Bolloré sur les minoritaires :
la cour d’appel de Paris a reconnu que le groupe Bolloré exerçait un contrôle effectif sur Vivendi lors de la scission de 2024. Cette décision pourrait contraindre l’AMF à exiger de Bolloré qu’il lance une offre publique d’achat obligatoire (OPA) sur les actions qu’il ne détient pas encore, à un prix potentiellement supérieur au cours actuel. Cela représenterait une opportunité de sortie attractive pour les actionnaires minoritaires.

Dynamique du streaming international :
croissance attendue hors USA, développement de services pour superfans (Japon, Corée).

Décote excessive par rapport à des pairs (Industrivärden à -10 % contre -45 % pour Vivendi) :
potentiel de revalorisation si gouvernance et structure se normalisent.

Valorisation d’UMG attractive via Vivendi :
pour ceux qui croient à la soutenabilité du PER de 24x d’UMG.

Menaces

Enquête européenne pour “gun jumping” dans l’acquisition de Lagardère :
Vivendi est accusée d’avoir pris le contrôle effectif avant l’autorisation réglementaire, avec à la clé un risque d’amende pouvant atteindre 1 Md€.

Risque réputationnel lié à Bolloré :
impact potentiel sur l’attractivité auprès des investisseurs institutionnels.

Ralentissement de la croissance UMG :
avec 6,5 % en 2024, en dessous des 10 % historiques.

Pressions réglementaires sur la rémunération des artistes et IA musicale :
même si atténuées par les accords récents (Spotify, Deezer).

Vivendi revient de loin. Après des années de stratégie erratique, le recentrage autour d’UMG en fait une holding lisible et potentiellement attrayante. Le profil financier s’améliore et le titre offre un levier sur la croissance résiduelle du streaming musical mondial. Toutefois, les incertitudes sur la gouvernance et les contentieux en cours imposent une vigilance accrue. Une situation à surveiller de près, notamment pour les investisseurs sensibles à la décote sur actifs cotés. A réserver à ceux qui apprécient les dossiers un peu complexes nécessitant de patienter jusqu’à la survenue d’un catalyseur. Pas tout à fait notre état d’esprit du moment.

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