Fresenius : sur une lancée qui va continuer ?

Fresenius - Synapses

Fresenius SE & Co. KGaA est un groupe allemand de référence dans les soins de santé, articulé autour de deux divisions stratégiques :
 
Fresenius Kabi, spécialisée dans les produits pharmaceutiques injectables, la nutrition clinique, les dispositifs médicaux et les biosimilaires.
Fresenius Helios, acteur majeur dans l’exploitation d’hôpitaux en Allemagne et en Espagne.
 
Jusqu’en 2022, le groupe comprenait également Fresenius Medical Care (FMC) – leader mondial de la dialyse – et Vamed, opérateur de services hospitaliers.
 
Sous l’impulsion de son CEO Michael Sen, Fresenius a entrepris un recentrage ambitieux : cession de Vamed, transformation de FMC en participation financière. Résultat : un modèle simplifié, plus lisible… et un redressement boursier remarqué.
 
Et maintenant, où en est Fresenius en 2025 ? Les signaux sont-ils toujours aussi favorables ?
 
Dans un secteur en mutation, voici pourquoi cette entreprise pourrait retenir votre attention. 

Forces

Modèle opérationnel recentré :
allègement du périmètre avec la cession de Vamed (après avoir supporté 0,5 Mds € de charges non récurrentes) et la requalification de FMC en participation financière ont permis à Fresenius de se focaliser sur Kabi et Helios, deux divisions à fort potentiel de génération de cash‐flow.

Croissance et rentabilité de Kabi :
au T1 2025, + 6 % de croissance organique des ventes et marge EBIT ajusté de 16,8 %.

Pipeline Biopharma solide :
Tyenne (dénomination européenne du biosimilaire de tocilizumab, qui sert à traiter l’arthrite inflammatoire) récemment lancé en Europe et approuvé aux États-Unis début 2025.

Performances d’Helios Espagne :
grâce à une part élevée de patients externes et à un modèle plus digitalisé, Helios Espagne affiche une rentabilité supérieure à Helios Allemagne : + 8 % de croissance organique des ventes et marge EBIT ajusté de 9,8 % (au Q1 2025.

Amélioration des indicateurs financiers :
Ratio dette nette/EBITDA réduit de 4,2× (T2 2023) à 3,0× (fin T1 2025), atteignant le haut de la fourchette cible 2,5–3,0x.
ROIC (Return on Invested Capital, Retour sur capital investi, NDLR) de 6,2 % pour un objectif de 6–8 %.

Valorisation attractive :
Ratio cours/bénéfice ajusté 2025 : 15,9× ; 2026 : 12,9x.

Rendement du dividende 2025 à 2,59 % :
Le rendement du dividende prévu pour 2026 sera de 2,70 %.

Avantages ESG environnemental :
note CO₂ par million d’€ de chiffre d’affaires parmi les meilleures du secteur (score environnemental 4,1/5 vs 3,5/5 des pairs), malgré une consommation énergétique élevée.

Faiblesses

Structure de gouvernance peu transparente :
la forme juridique KGaA (partenariat en actions) confère peu de droits de vote aux actionnaires hors fondation, pénalisant la notation ESG globale et pouvant rebuter certains investisseurs institutionnels.

Dépendance à l’Allemagne pour Helios :
Helios Allemagne reste tributaire du système de financement des soins hospitaliers (fonds d’assurance maladie obligatoires), ce qui limite la flexibilité tarifaire et exerce une pression sur les marges (marge Q1 2025 à 9,8 %, en deçà de la fourchette cible 10–12 %).

Charges non récurrentes prolongées :
pour l’élimination définitive des activités projet de Vamed, des charges additionnelles à « deux chiffres en centaines de millions d’euros » sont attendues jusqu’à fin 2026.

Ratio dette encore élevé :
bien qu’en amélioration, le ratio dette nette/EBITDA de 3,0× reste à la limite supérieure de l’objectif, laissant peu de marge de manœuvre pour des acquisitions majeures sans pression sur la notation financière.

Risque ESG social et gouvernance :
faible note de gouvernance (score ESG 2,9/5 vs 4,8/5 pour ses pairs).

Potentiel de controverses :
Elles liées aux fermetures de cliniques sous‐performantes (Fresenius Medical Care).

Opportunités

Expansion Biopharma et biosimilaires :
Lancement de Tyenne (biosimilaire tocilizumab) en Europe (septembre 2024) et aux États-Unis (mars 2025) ouvre de nouvelles sources de revenus.
D’autres biosimilaires (Idacio, Stimufend) consolident la position sur un marché en croissance (> CHF 3,6 Mds pour l’originator Actemra en 2024, distribué par Roche).

Réformes hospitalières en Allemagne :
le nouveau gouvernement allemand met en place un fonds de restructuration pour les cliniques (plusieurs milliards d’euros) afin d’améliorer l’efficacité, ce qui bénéficiera à Helios Allemagne (amélioration des infrastructures, réduction des coûts).

Digitalisation et intelligence artificielle :
plans de création d’un lac de données pour intégrer l’IA dans les opérations hospitalières (particulièrement en Espagne), ce qui permet d’améliorer la productivité et la qualité des soins.

Politique de soutien environnemental et énergétique :
Les mesures de soutien énergétique gouvernementales allègent la pression sur les coûts d’exploitation.
Engagement vers la neutralité carbone d’ici 2040 : opportunité d’accéder à des financements verts et d’améliorer la perception ESG (FMC prévoit d’atteindre la neutralité carbone).

Tendance démographique :
le vieillissement de la population européenne favorise la demande pour les traitements chroniques (dialyse, maladies auto‐immunes) et les services hospitaliers.

Menaces

Pression réglementaire en Chine :
l’inclusion de Ketosteril (traitement rénal) dans le système d’achats en volume en Chine pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix des médicaments, impactant potentiellement la marge de Kabi dans cette région clé.

Concurrence accrue sur les biosimilaires :
plusieurs acteurs (Biogen, Sandoz…) se disputent le marché des biosimilaires, ce qui pourrait limiter les parts de marché et exercer une pression sur les prix.

Volatilité macroéconomique :
taux d’intérêt élevés en Europe, augmentant le coût de la dette, limitant la capacité à financer de nouveaux investissements.

Risque de récession allemande/espagnole pouvant freiner la demande de soins électifs et hospitaliers.

Risques géopolitiques et de chaîne d’approvisionnement :
Tensions sino‐américaines pouvant perturber l’approvisionnement en composants médicaux (dispositifs, médicaments) et en matières premières.
Inflation des coûts de l’énergie et des matières premières (plastique pour dispositifs IV, ingrédients actifs) susceptibles de peser sur les marges.

Critiques sociétales et contrôle antitrust :
Fermetures potentielles de cliniques jugées sous‐performantes (FMC), pouvant entraîner une mauvaise presse.
Tension croissante sur la tarification des soins en Europe (réformes hospitalières, pressions des payeurs), avec un risque de plafonnement tarifaire pour Helios ou Kabi.

La trajectoire récente de Fresenius illustre une transformation stratégique profonde, marquée par un recentrage clair sur ses activités cœur – les soins hospitaliers (Helios) et la biopharmacie (Kabi).
 
Cette réorganisation, bien que coûteuse à court terme (charges liées à Vamed), semble déjà porter ses fruits : la rentabilité progresse, la structure financière s’assainit et les perspectives de croissance s’élargissent, notamment grâce aux lancements de biosimilaires à fort potentiel comme Tyenne. Par ailleurs, les efforts environnementaux du groupe, reconnus par un score ESG supérieur à celui de ses pairs, contrastent avec une gouvernance encore critiquée. À l’heure où les systèmes de santé européens subissent de fortes pressions, Fresenius bénéficie de dynamiques favorables, notamment en Espagne, tout en restant exposée à certains risques réglementaires et macroéconomiques.
 
Dans ce contexte, l’entreprise présente un profil hybride : à la fois en redressement, mais avec des leviers encore à activer pour exploiter pleinement son potentiel.

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